Les collemboles sont des animaux dont la taille est comprise dans une fourchette allant approximativement de 0.12 mm à 17 mm. Ils sont dotés d'une tête, d'un thorax composé de trois segments et d'un abdomen qui en comprend six. La tête porte des antennes, le thorax porte trois paires de pattes et l'abdomen est doté d'un organe sauteur nommé furca et d'autres organes aux fonctions spécifiques.

Ce montage photographique1 sur lequel je respecte les proportions, souligne les différences de taille entre la plus petite espèce qu'il m'a été donné de photographier, Neelus murinus (Neelipleone) dont la taille avoisine 0.6 mm, et la plus grande, Orchesella villosa (Entomobryomorphe) dont la taille moyenne est d'environ 5 mm. 

 Tous les collemboles, quelle que soit leur taille, possèdent les même organes internes comme l'illustre la coupe anatomique d'un Arthropléone2

 Système digestif :

Les collemboles sont dotés d'un système digestif constitué d'un intestin divisé en trois parties distinctes qui permettent respectivement d'ingérer de digérer et d'évacuer les aliments, comme le montre le croquis ci-dessous3 qui représente la coupe d'un collembole Arthropleone. Au niveau de sa bouche, le collembole possède des glandes salivaires dont la fonction est de sécréter des enzymes qui seront mélangées à l'alimentation au sein de la cavité buccale. L'intestin antérieur débute après le pharynx et se prolonge par un œsophage qui achemine les aliments vers l'intestin moyen. ce dernier se présente comme une large poche entourée d'un réseau de muscles disposés de manière circulaire et longitudinale. Les contractions de ce réseau musculaire permettent de malaxer les aliments et de les évacuer vers l'intestin postérieur dont la jonction avec l'intestin moyen (zone pylorique) est dotée d'un sphincter. L'intérieur de l'intestin moyen est tapissé de cellules digestives qui secrètent des enzymes capables d'absorber les produits de la digestion. Le niveau d'acidité (pH) qui règne au sien de la poche intestinale est maintenu à une valeur optimale pour permettre à ces enzymes de remplir leur rôle. Le pH mesuré dans la zone centrale et postérieure de l'intestin (rouge) avoisine pH 6, ce qui correspond à un milieu très légèrement acide (sans commune mesure avec le suc gastrique humain, qui avec un pH 2 est 10 000 fois plus acide). La partie antérieur (bleue) possède un pH8 qui la situe dans une valeur légèrement alcaline (comparable au pH de l'eau de mer). Certaines espèces de collemboles comme le Pogonognathellus flavescens sécrètent de la cellulase qui est une enzyme capable de digérer la cellulose ce qui leur permet en outre de jouer un rôle essentiel dans la transformation de la matière organique en humus à travers leurs déjections qui s'effectuent sous forme de petites boulette fécales. Ces dernières prennent forme au niveau du rectum après que l'eau contenue à la sortie de l'intestin moyen ait été absorbée par les cellules l'intestin postérieur. L'analyse du contenu de l'intestin moyen révèle la présence de bactéries et de champignons qui constituent à eux seuls une part importante de l'alimentation des collemboles. Les chercheurs pensent également que l'intestin moyen peut contenir d'autre bactéries qui vivent en symbiose et sont capables de fabriquer certaines enzymes que le collembole ne produit pas naturellement. Une partie des champignons ingérés résiste au processus de digestion et de ce fait, leurs déjections sont un vecteur important de dissémination dans les sols.

Remarque : Le système digestif est une prolongation de la cuticule externe. A ce titre il est donc également soumis aux mues successives qu'effectuent les collemboles.

Processus respiratoire:

Le processus respiratoire de la majeure partie des collemboles est cutané, seuls les Symphypléones et une douzaine d'espèce de la famille des Actaletidae disposent d'un réseau trachéen, comme le montre le schéma ci-contre4. Cette particularité leur confère une meilleure propension à évoluer à l'air libre et les rend moins sensibles à l'hygrométrie ambiante que les autres familles. C'est entre-autre pour cette raison qu'on trouve plus facilement des Symphypléones évoluant au-dessus du niveau du sol, d'autant que ces derniers disposent d'une pellicule fine de cire recouvrant leur cuticule (couche externe comparable à la peau chez les mammifères).

Plutôt que de parler de respiration, il conviendrait d'utiliser le terme d'échanges gazeux. La proportion entre la taille relativement faible du collembole et sa surface corporelle incluant la surface humide du tube ventral joue en faveur de ce mode respiratoire. Chez bon nombre d'espèces, la cuticule n'offre pas d'opposition aux échanges gazeux avec l'extérieur. Les besoins en air varient suivant les différentes familles de collemboles, directement corrélés avec leur niveau d'activité. Par exemple, les besoins sont minimes lorsqu'ils muent ou qu'ils sont affamés ou encore lorsqu'ils se reposent durant l'été ou les périodes de gel. L'hygrométrie et la température de l'air ambiant exercent également une influence non négligeable sur les volumes d'échanges nécessaires, plus il fait chaud plus ils consomment. En règle générale, les collemboles vivant au-dessus du sol (épiédaphiques) ont une plus forte consommation d'oxygène que ceux qui vivent dans le sol (euédaphiques). Les Symphypléones qui sont évoluent en milieu épiédaphiques ont effectivement besoin de plus d'oxygène car ils doivent parcourir davantage de distances pour trouver des nourritures adaptées. D'autant que leur exposition à l'air libre les soumet à un plus grand nombre de prédateurs auxquels ils ne peuvent faire face qu'en s'enfuyant, ce qui ajoute à leur consommation d'oxygène.  

Système nerveux :

Le schéma ci-contre5 montre les systèmes nerveux thoracique et abdominaux d'un Tomoceridae (Arthropléone) et d'un Sminthuridae (Symphypleone). Chacun est constitué d'un ganglion abdominal relié à trois ganglions thoraciques qui s'étendent jusqu'au premier segment thoracique à partir duquel s'effectue la liaison avec le cerveau situé dans la tête. 

La taille des collemboles réduit considérablement le champ prospectif en matière d'étude du système nerveux. Il est en effet quasiment impossible de mesure les influx nerveux en vue d'établir comme pour des espèces animales de plus grande taille des sortes d'électro-encéphalogrammes significatifs. Les méthodes utilisées exploitent deux types de données : 

  • Données de nature comportementale, à travers l'étude des réactions face à divers stimuli. Dans ce cas on fait appel à la perception sensorielle de l'animal.
  • Données physiologiques observationnelles, par le biais de l'analyse de la nature et de la typologie des cellules présentes sur différentes partie du corps.

Lors des programmes de recherche, le spectre des stimulations exercées sur les collemboles balaie les domaines du goût, de l'odorat, de la sensibilité à la lumière, du toucher, des vibrations sonores, de la pression atmosphérique, de la température et de l'hygrométrie ainsi que de la concentration de l'air en oxyde de carbone.   

La Mue :

Chez le collembole, la mue6 est un processus de renouvellement de son enveloppe externe constituée par sa cuticule (peau), mais qui comprend également les sensilles, poils, capteurs sensoriels externes, trachée et zones antérieures et postérieures de l'intestin. La mue se matérialise par une succession d'étapes : (voir schéma ci-dessous)7.

En premier lieu, le collembole s'immobilise et arrête de s'alimenter. Les cellules de son hypoderme sécrètent alors un liquide dit exuvial (orange sur le schéma) entre l'ancienne et la nouvelle cuticule (fig.2). Ce liquide contient des enzymes capables de digérer l'endocuticule (beige) de la future exuvie qui va se détacher progressivement. Les produits de cette digestion seront en grande partie réutilisés au cours de la synthèse cuticulaire qui permettra à ces mêmes cellules de produire une nouvelle cuticule (fig.3). Le processus de formation de ces nouveaux tissus commence d'abord par l'épicuticule (vert) puis l'exocuticule (mauve) et l'endocuticule (beige). Dès lors, le collembole pourra se libérer de l'ancienne cuticule réduite de plus de 80% par l'action des enzymes. Ce phénomène se nomme l'exuvation. L'image ci-contre8 montre l'exuvie d'un Tetrodontophora bielanensis qui se fend pour laisser la place à la nouvelle cuticule.

La croissance des collemboles dont la durée de vie moyenne est d'une année (bien qu'en laboratoire on ait obtenu des longévités de 67 mois) s'effectue sans métamorphose. Elle est assurée par une succession de mues en nombre et fréquence variables selon les espèces, le milieu dans lequel il évolue et certaines conditions extérieures comme la température. Par exemple, pour atteindre la maturité sexuelle, Mesaphorura krausberi peut subir 5 à 8 mues, alors que Orchesella cincta en subit de 11 à 13.

Au-delà du stade de la maturité sexuelle, les mues continuent et peuvent, chez certaines espèces, approcher ou dépasser le nombre de quarante. Ci-contre exuvie d'un collembole1 sur une feuille morte. La durée d'une mue complète varie selon l'âge du collembole, chez les jeunes sujets Heteromurus nitidis (ci-dessous)1 elle dure de 3 à 4 jours (à 20°C) alors que chez les adultes de la même espèce elle s'étale sur 8 à 10 jours. Durant tout ce processus, le collembole est exposé car il ne peut pas fuir les prédateurs et risque de nombreuses blessure tant que sa nouvelle cuticule n'est pas assez dure.

 

1  Images par Philippe Garcelon
2  Croquis repris à partir de "Le petit collembole illustré"– Jean-Marc Thibaud. Arvernsis (2010).
3 "Biology of the springtails" par Stephen P.Hopkin - oxford university press - 1997.
4 Adaptation d'un croquis de Jean-Marie Betsch - 1977
Adaptation de croquis de U. Brauner " Zoologische jarhbucker fur anatomie" - 1981.
6 Informations issues d'un article reprenant des extraits de "Les insectes et l'homme" - Michel Lamy -Albin Michel 1997
7 Schéma reconstitué d'après une  planche de  H.Boué et R.Chanton -1958.
8 "The multi-layered protective cuticule of collembola"- J.Nickerl/M.Tsurka/R.Hensel/C.Neinhuis/C.Werner - Journal of the Royal Society -2014