Traversant les ères géologiques, certaines espèces actuelles de collemboles présentent des similitudes avec des fossiles de l'Eocène moyen (- 40 Ma), ce qui laisse supposer que ces derniers ont peu évolué morphologiquement. Relativement à l'apparition de notre propre espèce, Homo sapiens (-300 000 ans) et, compte-tenu de l'accroissement de la population humaine, maigres sont les perspectives de survie de notre espèce à long terme. C'est pourquoi, l'observation d'un collembole nous transporte dans le passé, mais nous projette également vers un lointain futur d'où l'homme aura peut-être disparu s'il ne sait pas préserver ses ressources

 

Simplifions à l'extrême en posant cette règle à trois variables : Ev = [Rd/(Ca x Pm).

(Ev=espérance de vie, Rd=ressources disponibles, Ca=consommation anuelle, P=population mondiale)

Voyons sur laquelle de ces variables nous pouvons agir immédiatement, à l'échelle individuelle :

  • Agir sur nos ressources disponibles, Rd, nécessite des changement de modes agricoles qui ne peuvent s'effectuer que sur le moyen ou long terme, avec toutes les incertitudes relatives au réchauffement climatique. 
  • Agir sur la population, Pm, suppose la mise en places de mesures de régulation de la natalité qui ont déjà montré leurs limites, voire leur inefficacité.
  • Agir sur notre consommation, Ca, reste donc la seule variable sur laquelle l'individu peut influer par son comportement. A commencer par une limitation drastique de nos gaspillages.

Depuis deux siècles, nous sommes entrés dans une logique d'expansion qui nous conduit à puiser, au-delà de nos besoins vitaux, dans les ressources de la Terre. Nous serions mieux inspirés de regarder vers ces "insignifiantes bestioles" qui, depuis des centaines de millions d'années, économisent leurs ressources et s'affairent, à leur échelle, à préserver activement leur biotope.
Aujourd'hui, seulement 23% des terres émergées sont qualifiées de saines. Selon les plus éminents chercheurs, il est en effet fort plausible que, sans nous en rendre compte, nous soyons déjà engagés dans une sixième extinction massive, causée par les transformations de l'environnement écologique dues à nos activités. Élisabeth Kolbert (The Sixth Extinction - prix Pulitzer de l'essai en 2015) prévoit qu'aux alentours de 2050, 25% des mammifères, 16% des oiseaux, 20% des reptiles, 33% des requins et des raies, auront disparu.

Apiculteur amateur, j'ai constaté des hécatombes d'abeilles sur le plancher de certaines de mes ruches, en raison de l'utilisation sur des cultures voisines de produits phytosanitaires. Constat corroboré par le rapport de WWF "Planète vivante 2020" [1] qui montre que près de 70 % des espèces d'insectes ont disparu entre 1970 et 2016 sur la zone étudiée.

Philippe Morel de la Société Entomologique de France souligne qu'avant cette étude, personne n'aurait imaginé l'ampleur du phénomène. Sans compter qu'on doit aussi intégrer qu'il est bien plus aisé de le percevoir à travers des papillons ou des abeilles, faciles à identifier, qu'avec de petits organismes de la taille des acariens, collemboles ou autres arthropodes de la litière, vivant au seuil de la forêt et victimes eux aussi des mêmes séries de dégradations engendrées par l'homme.

 

Elargissons un instant notre perspective pour envisager, dans sa globalité, l'état actuel du vivant. La biomasse représente le poids de tout ce qui vit sur notre planète. Elle inclut donc le règne animal qui n'en occupe qu'une infime portion et dans lequel se trouve l'homme. Ce dernier impacte la chaîne alimentaire dans des proportions sans commune mesure avec sa masse réelle. Cette chaîne est fragilisée par l'explosion démographique humaine. En effet, depuis la fin du Paléolithique moyen (-50 000 ans), la population humaine est passé d'environ 600.000 individus à près de 8.000.000.000 (au 15/11/2022); accroissement hors norme qui a nécessité une exploitation de ressources non renouvelables dont nous touchons aujourd'hui les limites. Pour régénérer ce que l’humanité consomme aujourd’hui en une année, il nous faudrait l’équivalent de 1,75 fois la surface terrestre. Nous vivons donc cinq mois par an "dans le rouge" et entamons sans le compenser le capital naturel disponible indispensable à la survie de l'humanité. Cette fuite en avant qui semble irréversible pourrait bien signer la chronique d'une fin annoncée.


La biomasse pèse 550 gigatonnes (Gt), soit, 550.000.000.000 tonnes. Pour proposer un éclairage différent, sur la base du schéma ci-contre qui illustre les masses des règnes qui la composent, j'ai converti ces masses en pourcentages:
- 82.5% sont des plantes.
- 12.8% sont des bactéries.
- 2.2% sont des champignons.
- 2.05 % sont des micro-organismes.
- 0.37% sont des animaux.


On notera que le poids du règne animal est effectivement infime.

Fort heureusement, d'autres études porteuses d'espoir indiquent que l'on peut parfaitement, nourrir toute la population humaine, même en bio. Le tout est de changer nos modèles économiques et agronomiques. Un tiers de ce qui est produit est en effet gaspillé, donc non consommé ! Et ce, à l'échelle mondiale (le chiffre est plus important chez nous occidentaux).

Sur la base de la répartition des embranchements au sein du règne animal*, j'ai établi ce "camenbert" assez édifiant. Mon but est de souligner la dichotomie entre l'infinitésimale portion que représente notre espèce et le niveau incommensurable de nuisance qu'elle impose au vivant. Notre espèce pèse 3% du règne animal qui ne constitue que 0.37% de la biomasse. 

L'homme ne représente donc que 1.11 % de la totalité du vivant !

 


Ce pourcentage, confronté à des données vérifiées, permet d'établir notre potentiel de nuisance. Une étude* publiée dans la revue « Nature » révèle qu’en 2020, la masse de tout ce que l’homme a fabriqué sur Terre (Béton, plastique, bitume, métal, brique, engrais, etc...) atteignait Déjà 1.100 Gt, soit le double de la biomasse. Alors qu’au début des années 1900, l’homme avait seulement produit l’équivalent de 3 % de cette dernière.

Par ailleurs, on sait que depuis le début du XVIIIe siècle, le développement de l’agriculture intensive et l'exploitation forestière ont réduit de moitié la masse végétale terrestre. Force est de constater qu'au fur et à mesure où l’humain s’étend, il éradique d’autres formes de vie, en particulier les plantes. Depuis la révolution industrielle, le vivant fait face à une accélération des dégradations occasionnées par les activités humaines. Le réchauffement climatique en est une conséquence palpable.

Recours aux énergies fossiles, déforestation massive, artificialisation des sols, surexploitation des ressources naturelles, pratiques agricoles intensives, industrialisation des élevages, développement des transports, sont autant de vecteurs de ces dégradations. Trop souvent réduites à leur production de CO2, ces activités causent, en faits, bien d’autres nuisances environnementales. Discrètes, éloignées de nos regards, mais tout aussi nocives, elles consolident sans que nous en prenions suffisamment conscience les bases irréversibles du cataclysme écologique qui se rapproche de nous.

Si par ailleurs nous ne changeons pas rapidement nos comportements actuels et continuons à brûler gaz pétrole et charbon, le CO2 dégagé accentuera l’effet de serre qui accélèrera la fonte des calottes polaires et des glaciers, la montée des eaux des océans, le dérèglement climatique, la réduction des zones cultivables, les vagues de sécheresse et la désertification induite, les migrations massives de populations sinistrées ou en état de famine, la disparition d’espèces animales et végétales, etc...

Sommes-nous prêt à changer nos usages domestiques, recycler ce qui peut l’être, réduire significativement nos gâchis énergétiques, limiter nos déplacements (auto, avion), favoriser les circuits courts et éviter de consommer des produits qui voyagent sur des milliers de kilomètres pour arriver jusqu’à nous ? L’hypocrisie du « greenwashing » offre bonne conscience à nos appétits consuméristes.

REAGISSONS L’AVENIR DU VIVANT EST ENTRE NOS MAINS !

 

 

* « Rapport Planète Vivante 2020» - WWF, en collaboration avec la Société Zoologique de Londres.  Synthèse consultable ici: https://www.wwf.fr/rapport-planete-vivante