Cet organe propre aux collemboles leur sert à effectuer des sauts pour fuir des prédateurs ou pour quitter rapidement le milieu dans lequel ils évoluent, comme, par exemple, pour échapper à un courant d'eau qui pourrait les entrainer. Bien que pouvant dans certains cas agir sur la direction dans laquelle il saute, le collembole ne maitrise généralement pas toutes les composantes de ses sauts et, de ce fait, il ne peut pas s'en servir comme moyen ordinaire de locomotion. Cependant, une équipe de chercheurs [1] a récemment mis en évidence la capacité d'un collembole a disposer d'une certaine maîtrise de ses sauts (voir paragraphe " Des sauts contrôlés " ).

Le saut est une brusque détente musculaire initiée par la furca, initialement repliée contre l'abdomen et fixée sur le rétinacle. Ce mouvement très vif est plutôt un mécanisme de fuite qui n'est pas sans ressembler à ce que l'on peut observer chez certains insectes comme les sauterelles.

Sur l’image ci-contre1, la furca, fixée au quatrième segment abdominal est composée, à sa base, du manubrium (1) qui renferme la partie musculaire et qui se divise en deux branches chacune constituée des dentes (2) terminés chacun par un article nommé mucron (3). L’image en médaillon est issue d’une vidéo dans laquelle on voit les positions successives du collembole au début de la détente et ou on distingue l’appui de la furca déployée prenant appui contre le substrat.

La taille de la furca parfois faible permet cependant des sauts distants. Par exemple, la furca de l’Entomobrya dorsalis qui n’excède pas 2 mm de long lui permet d’effectuer des sauts allant jusqu’à 16 cm. On a mesuré, lors des sauts de Sminthurus viridis, des pics d’accélérations voisins de 970 m/s-² ce qui correspond à une accélération de 98.9 g, soit environ 10 fois plus que l’accélération que subit un pilote de chasse lors d’un virage très serré !

Ci-dessous le saut2 de deux espèces est décomposé : on constate que lors de son saut, effectué en arrière, le corps du Lépidocyrtus paradoxus (Entomobryomorphe, en bleu) demeure relativement vertical et que sa tête reste en haut une fois qu’il a quitté le sol alors que l’Hypogastrura socialis (Poduromorphe, en rouge) effectue son saut vers l’avant avec sa tête en bas et son corps qui effectue une rotation sur lui-même. Lors d’un même saut certaines espèces peuvent effectuer plusieurs culbutes ce qui rend totalement imprévisible leur orientation lors de l’atterrissage après lequel ils ont cependant la faculté de se redresser très rapidement.

 

Les formes de furca et leurs terminaisons varient selon les espèces (ci-dessous, photographie au microscope électronique de la partie apicale des dentes d’un Symphypléone)3. On peut noter que, pour les espèces aquatiques, le mucron est souvent plus large, de forme plus aplatie à l'image d'une pagaie, ce qui lui permet, lors des sauts, de pouvoir prendre appui sur le liquide sans briser la tension superficielle*.

*La tension superficielle est un phénomène physico-chimique lié aux interactions moléculaires d’un fluide, exploité par certains insectes (Gerridae) elle leur permet de se déplacer à la surface de l’eau sans que leurs pattes ne s’y enfoncent.

Remarque : En position de repos, la furca est généralement fixée contre l’abdomen par l’intermédiaire d’un appendice nommé rétinacle qui possède des sortes de petits crochets (ci-dessous, rétinacle d'un Podura aquatica "crochetant" sa furca 4. On aperçoit également l'extrémité repliée du collophore ).

Rattaché au troisième segment abdominal, le rétinacle ne semble cependant pas indispensable pour le maintien de la furca (ci-dessous exemple de rétinacles) 5.

On notera que certaines espèces, en particulier chez les Poduromorphes, sont souvent considérées comme dépourvues de furca. L'image ci-dessous4 prouve le contraire. Elle montre la partie ventrale d'un Deutonura conjuncta sur laquelle, entre le collophore (à droite) et la plaque génitale (à gauche) et on distingue un vestige de furca, ce qui atteste que l'évolution a conduit cet organe sauteur à régresser.

On pourrait se hasarder à mettre en relation cette réduction avec la probable évolution de l'habitat de cette espèce, la conduisant à fréquenter des lieux de plus en plus couverts au sein desquels la fonction du saut ne présente plus beaucoup d'intérêt pour la survie. 

 

 

 

1 : image - furca de dicyrtomina ornata montage par Philippe Garcelon
2 : issue de "Le petit collembole illustré" (ouvrage épuisé) – Jean-Marc Thibaud. Edition Arvernsis (2010)
3 : Image - mucron et partie apicale des dentes d’un Symphypléone - par Jean-Marc Thibaut
4 : Furca retenue par le rétinacle. Podura aquatica - Vestige furca Deutonura conjuncta -Image par Philippe Garcelon
5 : Images de droite : issues de "ordem collembola" réalisé par l'école nationale d'agronomie de Rio de Janeiro.