Avant-propos : L’article sur la formation des sols, publié sur ce site, bien que très succinct est apprécié. J’ai donc souhaité le prolonger, pour souligner l’importance de la connaissance des sols.

C’est au travers de l’Atlas européen de la biodiversité des sols, du site de l’AFES ou de publications de Clément Mathieu, professeur de Science du sol, que j’aborderai ici un domaine que je découvre en partie. En effet, les sols, desquels nous dépendons bien plus qu’on ne l’imagine au premier abord, sont méconnus, tant dans leur constitution physique que par les interactions de tous ordres qui s’y déroulent. En observant le sol, on voit évoluer une partie de la faune qui l’habite. Mais la part majeure des organismes et des mécanismes qui le font vivre demeure à l’abri du regard et ne se révèle qu’à des échelles dimensionnelles ou temporelles qui échappent à notre perception. C’est peut-être une des raisons de nos méconnaissances en la matière.

Balayer, en quelques lignes, les enjeux et les problématiques relatifs aux sols ne peut qu’être, dans le cadre de ce site, une démarche réductrice. C’est pourquoi le lecteur ne trouvera ici qu’un survol du sujet.

1) Le sol, un patrimoine fragile:

Les sols recouvrent près d’un tiers de notre planète. Écosystème complexe et dynamique il n’a pas toujours été perçus à la mesure de l’immense palette de ressources qu’il renferme.

Le sol abrite une grande diversité d’organismes qui entretiennent avec lui une relation étroite d’interdépendance. Il est un réservoir de matière organique, de nutriments et d’eau, que l’homme exploite depuis les temps les plus anciens pour subvenir à ses besoins alimentaires, domestiques, ou pour en extraire des ressources énergétiques, des minerais ainsi que des terres et roches utilisés comme matériaux de construction ou entrant dans leur composition.Pourtant, l’homme qui exploite ces sols connait mal ce patrimoine qu’il réduit encore trop fréquemment à une valeur foncière (immobilière, agricole, forestière, minière…), alors que le sol est aussi une organisation minérale et organique complexe, en constante mutation qui sert d’habitat à une multitude d’espèces animales et végétales.Dans sa perception des sols, l’homme peut se satisfaire de ce qu’il voit au risque qu’une bonne part de ce qu’est le sol lui échappe. C’est le cas par exemple, en milieu rural où le sol est souvent dissimulé par un manteau végétal (prairie, landes, forêts…).


En zone urbaine, le sol, bien que présent est occulté sous les bétons ou autres revêtements qui recouvrent l’essentiel des espaces.

Lorsqu’il est à nu, le sol laisse apparaitre une surface homogène qui porte peu d’indications visibles sur la nature des horizons qui le constituent ou des transformations qui s’y opèrent. Le matériel originel et les strates inférieures des sols ne se découvrent généralement qu’à l’occasion de travaux (tranchées routières, fronts de carrières, fouilles archéologiques…).

Appréhender un sol nécessite une étude détaillée, dans la perspective d’en établir une cartographie.

Pour cela, le pédologue (ci-contre) creuse des « fosses pédologiques » dont la profondeur moyenne se situe autour de 1 à 2 mètres. Il établit des inventaires morphologiques et prélève des échantillons en descendant idéalement jusqu’au niveau d’affleurement de la roche mère sous-jacente.

Les analyses effectuées en laboratoire fournissent, par la suite, des indications sur la composition physico-chimique et bactériologique des sols. Ces analyses permettent également, selon les résultats obtenus, de rapprocher ces derniers de modèles préétablis qui permettent de catégoriser les différents horizons rencontrés.

Je ne peux m’empêcher ici de noter une certaine analogie avec la démarche taxonomique.

Cartographie des sols INRAE/IGN accessible en ligne : https://www.inrae.fr/actualites/nouvelle-carte-sols-france-accessible-tous

Incessamment soumis à un ensemble de phénomènes et d’altérations, les sols sont érodés, compactés, attaquées par des pluies acides, salinisés, empoisonnés par les pesticides et les métaux lourds issus des combustibles fossiles, mais aussi par les épandages de résidus organiques issus de l’agriculture ou provenant des industries agro-alimentaires… Au-delà donc de l’érosion naturelle liée au climat, l’empreinte de l’homme devient un élément déterminant dans l’évolution des sols.

2) Précis historique :

Depuis son apparition, l’homme a toujours été en relation avec le sol. Cependant, sa prise de conscience de ce qu’est un sol dans sa globalité n’a pas été évidente, tant elle fut tributaire du progrès des savoirs en matière de géologie, chimie, biologie ou plus largement du vivant.

Le XVIIIème(Siècle des Lumières) fut, à cet égard, une période charnière à partir de laquelle les connaissances se sont non seulement développées, mais également propagées pour atteindre un plus large public, notamment grâce au travail des encyclopédistes.

Je cite ici Clément Mathieu1 :

« La conscience de l'existence du sol en tant que formation naturelle organisée, soumise à un fonctionnement et à une évolution, susceptible de lentes et/ou rapides transformations ainsi que de dégradations irréversibles a été très longue à apparaître.

Si les auteurs de l’Antiquité mentionnent bien quelques méthodes physiques d’amélioration du sol agricole, ils ont eu d’énormes difficultés à concevoir le rôle chimique du sol. Le Moyen Âge perpétue les idées du monde gréco-romain et même Olivier de Serres2, en 1600, ignore toujours le rôle des éléments fertilisants. Les premiers progrès réels n’apparaissent qu’en 1750. Duhamel de Monceau3 met l’accent sur le travail du sol et Wallerius4 affirme l’importance primordiale de l’humus dans la nutrition des plantes .

Avec Liebig5, Boussingaultet Lawes7 (vers 1840), la chimie du sol prend triomphalement naissance et on n’ignore pas l’altération des roches comme facteur de formation.

À la fin du XIXe siècle, Dokouchae8 en Russie avec l’étude du Chernozem dans les plaines de l’Ukraine, mais aussi Müller9 au Danemark et Hilgard10 aux États-Unis abordent enfin l’étude conjointe et dialectique de l’ensemble des caractéristiques du milieu (Boulaine,1989). La pédogenèse et la cartographie des sols sont nées.

Le sol n’est donc plus considéré comme un matériau, résidu de la transformation des roches, mais comme une entité naturelle. C’est un complexe matériel structuré et doué de régimes cycliques (journaliers et annuels) qui évolue au cours des temps et dont les caractères sont en relation avec la répartition des facteurs de différenciation. Le sol est « doué d’historicité et de géographicité » (Boulaine, 1989).

À partir de ce moment-là, les institutions agronomiques se mettent en place. Parallèlement, l’industrie des engrais, celle des machines agricoles, les syndicats de drainage se développent progressivement. La demande de connaissances sur les sols se développe petit à petit. Mais c’est surtout à partir de 1950 (donc, bien tardivement) que les travaux de recherche, d’inventaire et les bureaux d’études sur les sols se multiplient. Si en même temps les progrès des techniques physico-chimiques et autres (microscopie des sols, minéralogie des argiles, télédétection, traitement statistique des données) se développent ainsi que l’inventaire des sols, toutes ces recherches vulgarisent peu la connaissance des sols, non seulement pour l’ensemble du public, mais aussi pour les principaux utilisateurs de cette ressource.

Pourtant les applications des recherches sont largement exploitées en matière de fertilisation, de travail du sol, de drainage, d’irrigation, de plan de reforestation, etc. ainsi qu’en conservation des sols ».

Pour plus d’informations : L’article «Histoire abrégée de la Science des Sols » par Jean Boulaine est téléchargeable ici.

3 ) Éléments de sémantique :

Il apparait que le champ lexical qui définit ce que nous nommons aujourd’hui « sol » a évolué au cours du temps, en raison des facteurs évoqués, mais aussi, relativement au potentiel de ce dernier en ressources alimentaires.

Dans des documents anciens, j’ai noté que le terme de « sol » n’était entré dans les usages qu’à partir de la fin du XVIIIème siècle. Par exemple, ci-dessous, la définition relevée dans le « Dictionnaire raisonné universel d’histoire naturelle » tome.13- p.376 de M. Valmont-Bomare 1791.

Il suffit de consulter l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (Ed ; 1751 tome16, p 166-182) pour noter que le terme « sol » ne couvre pas l’usage que nous en faisons aujourd’hui. Pour trouver mention du « sol » dans sa définition actuelle, il faut plutôt se référer au terme « terre ».

4) La terre, "sol" des lumières :

L’intégralité de la définition que je reproduis ici peut sembler fastidieuse par sa longueur, mais sa lecture nous apprend énormément sur la manière dont les sols étaient considérés avant l’avènement de travaux effectués par les chercheurs cités précédemment par Clément Mathieu.

Voici ce qu’on lit dans l’encyclopédie précitée :

« Terre, couches de la, (Hist. nat. Minéralogie.) strata telluris ; l’on nomme couches de la terre les différents lits, ou bancs de terres, de pierres, de sables, &c. dont notre globe est composé. Pour peu qu’on observe la nature, on s’aperçoit que le globe que nous habitons est recouvert d’un grand nombre de différentes substances, disposées par couches horizontales & parallèles les unes aux autres, lorsque quelque cause extraordinaire n’a point mis obstacle à ce parallélisme. Ces couches varient en différents endroits, pour le nombre, pour leur épaisseur, & pour la qualité des matières qu’elles contiennent ; dans quelques terrains on ne trouvera en fouillant à une très-grande profondeur, que deux, trois, ou quatre couches différentes ; tandis que dans d’autres, on trouvera trente ou quarante couches placées les unes au-dessus des autres. Quelques couches sont purement composées de terres, telles que la glaise, la craie, l’ocre, &c. d’autres sont composées de sable, de gravier ; d’autres sont remplies de cailloux & de galets, ou de pierres arrondies, semblables à celles que l’on trouve sur le bord des mers & des rivières ; d’autres contiennent des fragments de roches qui ont été arrachés ailleurs & rassemblés dans les lieux où on les trouve actuellement ; d’autres couches ne sont composées que d’une roche suivie, qui occupe un espace de terrain quelquefois très-considérable ; ces roches ne sont point partout de la même nature de pierre ; tantôt c’est de la pierre à chaux, tantôt c’est du gypse, du marbre, de l’albâtre, du grès, du schiste, ou de l’ardoise, & souvent il arrive que la roche qui forme une couche, est elle-même composée de plusieurs bancs, ou lits de pierres, qui diffèrent entre elles : on trouve des couches qui sont remplies de matières bitumineuses ; c’est ainsi que sont les mines de charbon de terre. D’autres sont un amas de matières salines ; c’est ainsi que se trouvent le natron, & le sel gemme.

Plusieurs couches enfin, ne sont que des amas de substances métalliques, & de mines qui semblent avoir été transportées par les eaux dans les endroits où nous les trouvons, après avoir été arrachées des endroits où elles avaient pris naissance. Toutes ces différentes couches sont quelquefois remplies de coquilles, de madrépores, de corps marins, de bois, & d’autres substances végétales, d’ossement de poissons & de quadrupèdes, & d’un grand nombre de corps entièrement étrangers à la terre.

Toutes ces circonstances qui accompagnent les couches de la terre, ont de tout temps exercé l’imagination des physiciens ; ils ont cherché à rendre raison de l’arrangement qu’ils y remarquaient, & des autres phénomènes qu’elles présentent : la position horizontale de la plupart de ces couches, & la situation parallèle qu’elles observent entre elles, ont fait aisément sentir qu’il n’y avait que les eaux qui eussent pût leur donner cet arrangement uniforme. Une expérience très-simple suffit pour confirmer cette idée ; si l’on jette dans un vase plein d’eau, quelques poignées de terre, de sable, de gravier, &c. chacune de ces substances s’y déposera plutôt, ou plus tard, en raison de sa pesanteur spécifique, & le tout formera plusieurs couches qui seront parallèles les unes aux autres : cela posé, on a conclu qu’il fallait que les couches de la terre eussent aussi été formées par des substances qui avoient été délayées dans un fluide immense, d’où elles se sont successivement déposées. Comme l’histoire ne nous a point conservé le souvenir d’une inondation plus universelle que celle du déluge, les naturalistes n’ont point fait difficulté de le regarder comme le seul auteur des couches de la terre ; parmi ceux qui ont adopté ce sentiment, Woodward occupe le premier rang ; il suppose que les eaux du déluge ont détrempé & délayé toutes les parties de notre globe, & que lorsque les eaux se retirèrent, les substances qu’elles avoient détrempées, se déposèrent & formèrent les différents lits dont nous voyons la terre composée. Cette hypothèse, plus ingénieuse que vraie, a eu un grand nombre de sectateurs ; cependant pour peu que l’on y fasse attention, on verra que le prétendu détrempement de toute la masse de notre globe, est une idée très-chimérique. De plus, il n’est point vrai que les couches de la terre se soient déposées en raison de leur pesanteur spécifique, vu que souvent quelques-unes de ces couches, composées de substances plus légères, sont au-dessous de couches composées de matières plus pesantes.

En général le déluge n’est point propre à rendre raison de la formation des couches dont nous parlons ; on ne peut nier qu’il n’en ait produit quelques-unes ; mais ce serait se tromper, que de les lui attribuer toutes indistinctement, comme ont fait quelques auteurs. En effet, comment concevoir qu’une inondation passagère, qui, suivant le récit de Moïse, n’a pas même duré une année, ait pu produire toutes les couches de substances si différentes, dont les différentes parties de notre globe sont composées ?

Le sentiment le plus vraisemblable sur la formation des couches de la terre, est celui qui en attribue la plus grande partie au séjour des mers qui ont successivement, & pendant plusieurs siècles, occupé les continents qui sont aujourd’hui habités. C’est au fond de ces mers que se sont déposées peu-à-peu les différentes substances que leurs eaux avaient détrempées ; les fleuves qui se rendent dans les mers, charrient sans cesse un limon qui ne peut manquer à la longue de former des dépôts immenses, qui haussent le lit de ces mers, & les force à se jeter vers d’autres endroits. Notre globe étant exposé à des révolutions continuelles, a dû changer de centre de gravité, ce qui a fait varier l’inclination de son axe, & ce mouvement a pu suffire pour mettre à sec quelques portions du globe, & pour en submerger d’autres. La disposition & la nature de quelques couches de la terre, nous fournissent même des preuves convaincantes que les eaux de la mer ont couvert & ont abandonné à plusieurs reprises, les mêmes endroits de la terre.

Ce serait cependant se tromper, que d’attribuer à la mer seule la formation de toutes les couches que nous voyons sur la terre ; les débordements des rivières portent sur les terrains qu’elles inondent, une quantité prodigieuse de limon, qui au-bout de plusieurs siècles, forment des lits que l’œil distingue facilement, & par lesquels on pourrait compter le nombre des débordements de ces rivières, dont le lit par-là même est souvent forcé de changer.

Quelques pays présentent aux yeux des couches d’une nature très-différente de celle dont nous avons parlé jusqu’ici ; ces couches sont des amas immenses de cendres, de pierres calcinées & vitrifiées, de pierres ponces, &c. Il est aisé de sentir que ces sortes de couches n’ont point été produites par les eaux ; elles sont l’ouvrage des embrasements souterrains & des volcans, qui dans différentes éruptions ont vomi ces matières à des intervalles quelquefois très-éloignés les uns des autres : telles sont les couches que l’on trouve en Sicile près du mont Etna, en Italie près du mont Vésuve, en Islande près du mont Hekla, &c. c’est l’inspection de ces sortes de couches, qui a fait croire à Lazzaro Moro, que toutes les couches de la terre n’avaient été produites que par des volcans, d’où l’on voit qu’il a étendu à tout notre globe les phénomènes qui n’existaient que dans la contrée qu’il habitait, & dans d’autres qui sont sujettes aux mêmes révolutions.

Un grand nombre de montagnes ne sont formées que d’un assemblage de couches de terre, de pierres, de sable, &c. placés les unes au-dessus des autres. On a fait voir en quoi elles différent des montagnes primitives, qui sont aussi anciennes que le monde. Les montagnes par couches sont d’une formation plus récente que les autres, puisqu’elles contiennent souvent des substances qui ne sont que des débris des montagnes primitives. Quelques-unes des montagnes composées de couches, sont souvent très-élevées. M. Sulzer a fait en Suisse une observation qui prouve qu’elles ont été couvertes autrefois par les eaux ; en effet ce savant naturaliste a trouvé que le mont Rigi était couvert d’une couche, composée d’un amas de cailloux & de pierres roulées de toutes sortes d’espèces, & liées par un gluten sablonneux & limoneux, qui n’en faisait qu’une seule masse.

A l’égard du dépôt qui a formé les couches de la terre, il ne s’est point toujours fait de la même manière ; quelquefois ce dépôt s’est fait dans des eaux tranquilles, & sur un fond uni ; alors les couches produites par ce dépôt, se sont trouvées horizontales & unies ; mais lorsque le dépôt est venu à se faire dans des eaux violemment agitées, ces couches ont eu des inégalités, voilà pourquoi l’on rencontre quelquefois des lits dans lesquels on remarque comme des bosses & des ondulations, & des substances en désordre & confondues ensemble. Lorsque le dépôt des matières détrempées & charriées par les eaux, s’est fait contre la croupe d’une montagne primitive, les couches qui ont été déposées, ont dû nécessairement prendre la même inclinaison que le terrain qui leur a servi d’appui ; de-là vient l’inclinaison que l’on remarque dans certaines couches.

Enfin l’on remarque que les couches de la terre sont quelquefois brisées & interrompues dans leur cours ; il parait naturel d’attribuer ces interruptions aux ébranlements causés par les tremblements de terre, par les affaissements de certains terrains, occasionnés par les excavations qu’ont faites les eaux souterraines. »

Il est clair que les encyclopédistes ont abordé les sols comme une organisation essentiellement minérale. On notera que le déluge est encore évoqué, bien que des explications, plus solidement étayées, établies sur la base d’observations, contribuent à reléguer l’événement biblique à un épiphénomène, si tant est qu’il n’y soit pas encore réfuté (n’oublions pas que ce siècle aura permis à l’approche scientifique de s’imposer face au dogme qui perdurait depuis la scholastique).

Il faut donc attendre le XIXème siècle pour que les sols soient considérés comme une entité organo-minérale.

5 ) Les sols cultivés :

En 2020, les sols cultivés assuraient la production des ressources alimentaires de 8 milliards d’êtres humains, soit environ dix fois plus que la population estimée en 1800. Un tel bouleversement démographique n’a pu qu’impacter les techniques agricoles mises en œuvre mais surtout, il a fait exploser l’emprise des surfaces agricoles à la surface du globe.

Le tableau ci-dessous11, illustre cette expansion depuis le début du XVIème siècle jusqu’en 2017.

Cette croissance historique atteint aujourd’hui ses limites. En effet, comme le montre l’illustration suivante, établie à partir de données issues d’une estimation des surfaces cultivables12. Ces dernières ne représentent que 6.4% de la surface terrestre, ce qui en fait une ressource rare dont la préservation devient un enjeu planétaire, d’autant qu’elles jouent également un rôle essentiel en tant qu’épurateur et réserve d’eau, en une période où nous commençons à sentir les effets du réchauffement climatique et leur incidence sur nos approvisionnements en eau.

 

Depuis les débuts de l’ère industrielle, on observe une accélération de la détérioration des sols, pour les raisons évoquées précédemment, mais également parce que l’homme intensifie sans cesse l’exploitations des ressources, tout en rejetant de plus en plus de déchets.

En dépit des alertes répétées du monde scientifiques, la disproportion entre la rapidité avec laquelle l’homme altère les sols et la durée nécessaire à ces derniers pour se régénérer ne cesse de se creuser.

Parallèlement, la demande de produits issus de l’agriculture continue de croître au rythme de la démographie du globe, tout en accompagnant les aspirations des peuples à élever leur niveau de vie.

Même si tous les sols ne sont pas originellement propices à l’agriculture, l’industrie chimique propose d’y palier en mettant en oeuvre des solutions non pérennes qui consistent à répandre des engrais chimiques et autres substances qui ne font qu’accélérer la minéralisation et finissent de détériorer les processus naturels de régénération biologiques.

La dégradation des sols apparait dès lors comme un des problèmes les plus urgent à résoudre.

6) Dégradation des sols :

Une part majeure des dégradations subies par les sols résulte de nos activités. Les niveaux d’altération sont variables, mais les scientifiques constatent qu’aujourd’hui, 60 % des sols cultivables sont déjà affectés.

Le schéma ci-dessous13 illustre les trois types de dégradations subies par les sols :

 

7) Les mécanismes de dégradation :

  • Compaction :

La compaction des sols n’est autre qu’un accroissement de leur densité, souvent dû à des passages répétés d’engins agricoles ou de bétail qui provoquent un tassement. La terre qui devient ainsi plus compacte et imperméables au cycle de l’eau. Une première conséquence se traduit par une baisse des rendements, en raison de la difficulté des plantes à bien s’enraciner dans la terre durcie.

Mais, la compaction des sols a également pour effet d’accroitre le ruissellement des eaux atmosphériques et l’érosion qui en découle, tout en empêchant les nappes phréatiques de se recharger correctement.

C’est en grande partie la composition chimique et organique d’un sol qui détermine sa capacité de rétention d’eau, cette dernière ayant une incidence directe sur la propension du sol à la compaction.

Les solutions à mettre en œuvre pour limiter la compaction des sols doivent donc tenir compte d’un ensemble de données spécifiques, relatives à la nature propre de chaque sol concerné.

Le diagramme ci-contre14, donné à titre d’exemple, montre l’évolution de la compacité d’un sol en fonction de son taux de saturation en eau. Il apparait qu’au-delà d’un seuil (Ws), l’augmentation de la teneur en eau accroit la sensibilité à la compaction, jusqu’à une valeur maximale (Wm) proche de la saturation qui définit la compacité est maximale. Au-delà de ce point, le sol, gorgé d'eau, redevient moins sensible à la compaction.

  • Érosion :

L’érosion des sols regroupe un ensemble de processus qui, à la surface des sols ou à faible profondeur, enlève tout ou partie des terrains existants et en modifie les reliefs.

L’érosion peut être constatée visuellement, mais elle peut aussi passer en partit inaperçue. En effet, bien qu’en surface, certains sols peuvent nous sembler inchangés, il n’en va pas de même au niveau de leur qualité et de leur volume en dessous de la surface.

Les facteurs d’érosion sont multiples, on en distingue trois :

  1. Hydrique: Détachement de parties des sols, transport et sédimentation des particules sous l’action de l’eau.
  2. Aratoire: Résultat du travail du sol par l’homme au travers de ses pratiques agricoles ou forestières.
  3. Éolienne: Détachement et dissémination de particules du sol par l’action du vent.
    Si ces facteurs sont essentiellement d’ordre physique, il n’en est pas de même pour leur impact physico-chimique sur les sols. En effet, la fertilité d’un sol dépend essentiellement des propriétés mécaniques de la couche supérieure qui occupe les premiers centimètres. L’érosion affecte cette couche constituée de particules fines, plus facilement transportables que les particules grossières. Or, ce sont précisément ces particules (argiles, limons, matière organique…), déterminantes pour la fertilité des sols, qui sont le plus exposées.

Les études montrent que lorsque les quinze premiers centimètres d’un sol sont érodés, l’essentiel de sa fertilité chimique et biologique est affecté à très long terme et parfois même de manière irréversible.

  • Excès ou manque d’eau :

Un agronome15 du XIXème siècle évoquait déjà ce sujet en ces termes :

« Une fraîcheur constante au sein de la terre arable est utile et même nécessaire à la végétation, mais une humidité surabondante lui est toujours nuisible. Lorsque l'eau séjourne à la surface du sol, elle paralyse l'action des rayons solaires, fait périr les racines d'un grand nombre de végétaux et disparaître une partie des meilleures plantes dans les prairies naturelles ; en outre, elle diminue les effets des matières fertilisantes et retarde les opérations culturales. (…) Lorsqu'on parvient à enlever l'humidité surabondante d'une terre, les travaux s'exécutent toujours alors avec moins de dépenses et plus de célérité, la germination des semences est plus parfaite et les produits meilleurs et plus abondants. »

Un excès ou une carence hydrique se manifeste lorsqu’un sol est difficile à travailler et que les plantes cultivées ne se développent pas dans de bonnes conditions. Mais ce phénomène peut comme on vient de l’évoquer conduire une dégradation de sa structure.

  • Excès ou manque d’éléments :

La fertilité d’un sol résulte de la variété et des quantités d’éléments qui y sont présents. On en distingue plusieurs types :

  1. Les éléments majeurs sont l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K) dont les plantes ne peuvent se passer pour leur croissance et assurer des rendements corrects.
  2. Les éléments secondaires sont le calcium ( Ca), le magnésium (Mg) et le souffre (S). Ils sont eux aussi nécessaires, mais les plantes en utilisent des quantités bien plus faibles.
  3. Les éléments mineurs aussi nommés oligo-éléments, sont le bore (B), le cuivre (Cu), le fer (Fe), le manganèse (Mn) le molybdène (Mo) et le zinc (Zn)… qui sont requis en très faibles quantités (exprimables en gramme par hectare).

Bien que les éléments secondaire et mineurs soient consommés par les plantes en faibles quantités, comparativement aux éléments majeurs, leur rôle est essentiel. Leur carence ou leur surabondance peut, en effet, entrainer des dommages conséquents sur les récoltes.

La surabondance d’un élément se traduit, au niveau racinaire, par une réduction de la capacité de la plante à absorber d’autres éléments ou par un ralentissement du transport au sein de la plante.

Un grand nombre d’interactions peuvent se manifeste. Une des plus connue est relative à trois éléments (Ca, Mg et P) dont l’équilibre optimal serait 10 : 1 : 1 (Dix unités de Calcium pour une de Magnésium et une de Phosphore). Dans ce cadre, l’analyse d’un sol, préalablement à son exploitation agricole, s’avère très utile. Parallèlement, on ne peut ignorer le potentiel toxique lié à la présence de métaux lourd (plomb, cadmium, mercure ...), souvent issus de rejets industriels, qui rendent les sols impropres à leur exploitation agricole.

Cependant, tout serait trop simple s’il existait un sol idéal. Chaque plante possède des besoins spécifiques, comme l’illustre le tableau16 ci-dessous :

La gestion des éléments contenus dans un sol peut être assurée par le biais d’apports extérieurs ou de pratiques particulières, comme l’irrigations, qui peut modifier la capacité d’un sol à absorber un des éléments apportés.

  • Salinisation :

Elle peut être le résultat d’une altération naturelle des roches riches en minéraux présentes dans les sols. À l’échelle géologiques, on parle de « salinisation primaire ». Ce sont principalement les chlorures, dont le chlorure de sodium (sel de cuisine), qui occasionnent la salinisation. On estime aujourd’hui que ce phénomène affecte 7% de la superficie mondiale des terre17.

L’accroissement des cultures intensives et l’irrigation qui les accompagnent, joue également un rôle grandissant. En effet, 20% des terres cultivées de notre planète sont irriguées avec des eaux d’arrosage naturellement minéralisées ; qu’elles proviennent de cours d’eau ou de nappes souterraines. Lorsque ces eaux s’évaporent ou sont absorbées par les plantes, durant leur croissance, une partie des éléments minéraux qu’elles contiennent se fixent dans la terre.

Le schéma ci-dessous18 illustre le processus de salinisation des sols irrigués. Les flèches bleues représentent les mouvements de l’eau et les flèches blanches, la migration des sels.

Fig.1 : L’eau d’irrigation contenant déjà des sels minéraux, s’infiltre dans le sol en dissolvant et entrainant en profondeur les sels qu’il contient.

Fig.2 : Sous l’effet du soleil, l’eau chargé des sels dissouts, remonte en surface par capillarité et s’évapore.

Fig.3 : Comme les sels contenus dans cette eau ne peuvent s’évaporer, ils se déposent en surface.

Un tel mécanisme conduit à des taux de salinisation qui rendent rapidement les sols concernés impropres aux cultures. On note que les épandages d’engrais ont des effets, aggravés si les plantes n’absorbent pas la totalité des apports.

Ci-dessous. Les principales incidences des déséquilibres hydriques sur les sols cultivables19.

 

  • Acidification :

L’acidification d’un sol se vérifie en mesurant son pH au fil du temps. Le pH ou « potentiel hydrogène » permet de mesurer le caractère basique ou acide d’un échantillon. Un sol dit neutre présente une concentration équivalente en acides et en bases, comme illustré ci-dessous20.

 

Le pH détermine en grande partie la propension d’un sol à être cultivé, selon la nature des plantes que l’on souhaite y faire pousser.

- Un sol acide (pH inférieur à 5.5) est considéré comme très pauvre, car il empêche certains éléments comme le phosphore d’être assimilé par les plantes.
- Un sol basique (pH supérieur à 7.5) limite la croissance des végétaux en réduisant fortement leurs capacités d’absorption en fer ou magnésium. On observe dans ce cas un jaunissement des feuilles (chlorose) .
On constate que les terres les plus propices à la culture sont celles dont le pH se situe dans une fourchette comprise entre 5.5 et 7.5.

Vouloir cultiver des terres situées en dehors de ce créneau, nécessite des apports extérieurs. Dans le cas de sols trop acides, on peut procéder à des épandages de chaux ou de marnes, alors que pour abaisser le ph d’un sol alcalin, on peut effectuer des apports de tourbe, de litière de conifères ou de fumier.

Le Ph d’un sol résulte de multiples facteurs :

- L’usage d’engrais ammoniacal dit « azoté » .
- Une irrigation trop abondante qui occasionne un drainage important et une perte des bases.
- La nature de la roche mère (un sous-sol volcanique, granitique ou schisteux contribuera plus à acidifier les sols qu’une roche mère calcaire).
- L’humification, issue du processus de décomposition des matières organiques.
- Les pluies acides chargées de résidus de combustion d’énergies fossiles qui contiennent aussi des composés soufrés et azotés.
- Une part des minéraux qui composent les sols sont absorbés par les plantes (Mg, Ca, K.) alors que d’autres demeurent dans les sols (Aluminium, Bore, Zinc, Fer). Leur concentration croissant au fil du temps jusqu’à atteindre des seuils de toxicité létaux pour les plantes.
Ces multiples facteurs induisent une grande variété de sols, comme l’illustre la carte21 ci-dessous :

  • Baisse du taux de matière organique :

La teneur d’un sol en matière organique est tout aussi importante que sa teneur en éléments. La présence de matière organique est essentielle au maintien de l’activité biologique des sols, mais aussi pour leur structure, leur capacité de rétention et de drainage de l’eau et leur réserve en élément nutritifs.

La matière organique est composée de :

- Matière vivante: Micro-organismes, nématodes, arthropodes, algues, champignons, racines vivantes …

- Résidus organiques frais: Résidus de cultures ou broyages et engrais de ferme (fumiers, lisier)…

- Résidus organiques en décomposition

- Humus : Stade final de la décomposition organique qui représente généralement la part la plus importante de matière organique.

Elle impacte :

- La structure du sol: un sol qui devient moins compact, aéré, perméable à l’eau et plus facile à travailler. Cette stabilisation permet en outre au sol d’être moins sensible à l’érosion (hydrique et éolienne).

- Les réserve en nutriments: La décomposition biologique de la matière organique est génératrice d’azote et d’autres éléments nutritifs. Elle contribue, à travers un processus nommé échange cationique, à la fixation de l’azote mais aussi d’autres éléments comme le potassium, le magnésium et le calcium.

- Le pourcentage de matière organique d’un sol détermine son niveau de richesse. On considère qu’une teneur inférieure à 2% caractérise un sol pauvre. De 2% à 5%, le sol est moyen et, au-delà de 5%, il est considéré comme riche.

  • Diminution de la biomasse et de la biodiversité :

Le sol est une « usine de vie ». On y trouve des micro-organismes, au sein desquels les champignons représentent 12% de la biomasse et les bactéries 7%. On y rencontre également, entre autres, protozoaires, acariens, collemboles, vers de terre, insectes, crustacé, myriapodes…

Dans les sols, la distribution de la biomasse n’est pas homogène, bien qu’elle occupe tous les horizons depuis la surface jusqu’à des profondeurs pouvant atteindre huit mètres. Cependant, la plupart des organismes vivants évoluent dans les vingt premiers centimètres, bien que la biomasse microbienne soit présente à de plus grandes profondeurs, notamment dans les sols forestiers.

Par exemple, dans une cuillère à café, prélevée sur un sol de prairie non traitée, vivent plus d’un milliard22 d’organismes représentés par plus de dix mille espèces de bactéries et champignons.

Altérer ou dégrader un sol revient à mettre en danger ou à éliminer ces organismes qui contribuent à préserver ses propriétés, grâce aux multitude taches qu’ils effectuent sans relâche : découpage, fragmentation, dissémination, régulation des populations, transformations chimiques des éléments...

8) Les organismes du sol :

Un quart de la biomasse évolue dans les sols. Peu nombreuses pourtant sont les personnes qui connaissent la diversité des organismes qui la composent. Bien que cela n’ait pas valeur de sondage, j’ai posé la question suivante: « citez-moi quelques organismes qui vivent dans les sols » à une douzaine de personnes de mon entourage.

Le vers de terre étant systématiquement cité en premier, le « top 5 » des réponses est le suivant,

  1. Les vers de terre
  2. Les fourmis
  3. Les grillons
  4. Les taupes
  5. Les larves

Comme on le constate, le perçu ne représente donc qu’une infime partie de la réalité. Il est utile de rappeler qu’outres les formes de vie citées ci-dessus, une multitude d’autres types d’organismes évoluent dans les sols. Leur taille réduite (parfois quelques microns) les rend inaperçus en dépit de leur omniprésence.

Une partie du cycle biologique des organismes du sol se déroule à sa surface où immédiatement en dessous, essentiellement dans la matière organique en décomposition. Les trois grands règnes du vivant y sont représentés. Les bactéries, les archées (possédant des cellules sans noyau) et les eucaryotes (uni ou pluricellulaire, avec un noyau, comme les plantes, les animaux dont l’homme et les champignons).

Remarque importante : Je me limite dans la partie qui suit à quelques commentaires sur les organismes les moins connus et ne fait que citer d’autres groupes sans être exhaustif.

  • Bactéries:

Procaryotes, unicellulaire qui ne possèdent pas de noyau. Organismes les plus élémentaires du vivant elles sont aussi les plus abondantes au sein des procaryotes où on trouve également les archées. Les procaryotes sont particulièrement présents dans les horizons superficiels des sols, leur densité décroissant avec la profondeur.

Une des particularités des procaryotes et d’être capables d’établir des relations symbiotiques avec d’autres organismes. Par exemple, on sait que la fixation de l’azote contenu dans l’air, puis sa conversion en nutriments assimilables par les plantes, découle de l’action fixatrice de certaines algues, mais également d’une relation symbiotique avec la plante. C’est le cas pour les cyanobactéries qui ne sont pas des algues mais des bactéries photosynthétiques.

On connait plusieurs centaines de milliers d’espèces de bactéries (ci-contre23) dont la plupart ont une grande polyvalence métabolique qui leur permet de s’adapter à quasiment tous les types de sols.

Elles peuvent êtres des auxiliaires utiles : Les actinobactéries (60% de la masse bactérienne) qui se présentent souvent sous une forme filamenteuse, évoluent fréquement en symbiose avec des plantes ou des champignons. Elle jouent un rôle important dans la décomposition de la matière organique et la formation de l’humus.

D’autres actinobactéries peuvent être pathogènes pour les plantes ou les animaux. C’est le cas pour la bactérie clostridium tetani à l’origine du tétanos ou pour clostridium perfingens qui cause la gangrène.

Sur le plan agronomique, on peut classer les bactéries du sol en groupes fonctionnels24 :

- Ammonifiantes, qui décomposent les substances organiques azotées en ammoniac.

- Nitrifiantes, qui oxydent l’ammoniac pour donner des nitrates.

- Fixatrices d’Azote, qui captent l’azote atmosphérique.

- Cellulolytiques, qui dégradent la cellulose (élément végétal le plus répandu).

Les colonies bactériennes se développent en présence d’eau, dans les interstices des agrégats. Leur dissémination, hors des foyers de développement, dépend de la diffusion de l’eau et des nutriments. Soumises aux aléas climatiques (gel, dessication…) elles alternent états dormants et phases de reproduction et de croissance.

  • Cyanobactéries :

Ce sont des procaryotes, aptes à la photosynthèse (transformation de l’énergie lumineuse en énergie chimique). Elles sont très résistantes à la sècheresse et, de ce fait, sont capables de coloniser les sols les plus arides de la planète. Elles jouent un rôle important dans la fixation de l’azote (cf.ci-après).

Ci-dessous colonies de cyanobactérie filamenteuse Nostoc.

À propos de photosynthèse, on distingue sur cette image des cellules sphériques plus volumineuses (hétérocystes) qui possèdent la faculté de fixer l’azote de l’air pour le fournir aux autres cellules (maillons plus petits de ces chaines) qui de par leurs propriétés photosynthétiques, fixent sous forme de sucres le dioxyde de Carbone (CO2) contenu dans l’air. On évalue le niveau de fixation entre 10 à 25 kg/hectare/an. Les cyanobactéries favorisent donc la fertilité des sols.

Remarque : Dès leur apparition sur Terre, il y a 1 à 1.3 milliard d’années, algues et cyanobactéries ont produit et rejeté de l’oxygène, contribuant à constituer notre atmosphère actuelle. Sans l’apport de ces organismes microscopiques, il est probable que bon nombre d’autres formes de vie n’aient pu quitter le milieu aquatique pour coloniser la surface terrestre. L’oxygène contenu dans l’air leur permettant d’abandonner la respiration branchiale au profit d’une respiration aérienne.

  • Algues :

Omniprésentes dans le sol elles sont photosynthétiques, tout comme les cyanobactéries. Leur dépendance à la lumière, les contient majoritairement à la surface des sols. Cela étant, on a noté la présence d’algues jusqu’à des profondeurs où la lumière ne parvient pas (plus de 15 à 20 cm). Cette présence peut être attribuée au brassage des sols effectués par les vers de terre et à la capacité propre à certaines espèces à se déplacer par elles-mêmes, dès que l’eau est suffisamment présente dans le sol.

Composante actives des croutes microbiologiques des sols, les algues offrent des réserves de nutriments pour les plantes. À ce jour, une quarantaine d’algues procaryotes et une centaine d’eucaryotes identifiées vivent dans les sols. Parmi elles, les cyanobactéries déjà évoquées, les algues vertes, les diatomées, les algues brunes et dans une moindre proportion, les euglènes et les algues rouges.

Ci-dessous :1. Pediastrum boryanum, 2. Cosmarium, 3. Xanthidium, 4 Euglène et son flagelle marqué d’un astérisque rouge.

  • Diatomées :

Présentes généralement dans les eaux salées des mers et des océans, on les trouve également dans les eaux saumâtres, les eaux douces de cours d’eau et dans les couches superficielles des sols à condition que l’eau y soit présente. Ces organismes sont des eucaryotes unicellulaires qui peuvent vivre isolément ou regroupées en colonies.

Ce sont des algues jaunes ou brunes qui ont la capacité de se déplacer et dont la particularité est d’être les seuls organismes unicellulaires à posséder un squelette externe siliceux nommé frustule. Les diatomées sont dotées de chloroplastes et sont donc capables de photosynthèse. Importantes pourvoyeuses d‘oxygène elles sont essentielles à l’écosystème marin.

Ci-dessous : 1.Amphora ovalis, 2.Gomphonema geminatum, 3.Diatoma mesodon en colonie), 4.Meridion circulare en colonie.

  • Champignons:

Les champignons regroupent une large palette de variétés. Les champignons que l’on consomme ne sont en fait qu’une partie (la partie reproductrice) d’organisme plus complexes qui vivent sous la surface des sols. Ils constituent une part importante de la biomasse de ces derniers et se présentent sous deux formes :

- Unicellulaire: . C’est le cas, par exemple, des levures.
- Pluricellulaires: Ces derniers possèdent des ramifications filamenteuses microscopiques nommées hyphes qui se regroupent en forme de cordons appelé mycélium (dont les collemboles sont friands).

Les champignons, tout comme les bactéries œuvrent à la décomposition des débris végétaux et favorisent la production d’humus. Ils émettent à travers les parois de leurs cellules des enzymes capable de dégrader les matières organiques mortes, comme la cellulose contenue dans le bois.

Certains champignons, qui ne sont ni décomposeurs ni parasites, vivent avec les plantes dans une relation d’interdépendance bénéfique. Les mycorhizes illustrent cette relation dans une alliance entre racines des plantes et mycéliums des champignons.

Mécanisme : La photosynthèse chlorophyllienne de la plante fournit aux champignons les sucres nécessaires à leur croissance. En contrepartie, le champignon pourvoie la plante en minéraux et en eau qu’ils puisent grâce à ses ramifications profondes, bien plus développées et efficaces que les racines de la plante elle-même (une majorité des plantes ont recours à ce type d’échanges avec les champignons).

L’illustration ci-contre25 montre la symbiose entre un très jeune pin maritime et un champignon. On peut constater l’ampleur du réseau mycélien du champignon symbiotique, relativement au système racinaire du pin, bien moins ramifié et délimité par le périmètre tracé en jaune.

Remarque : L’épandage d’engrais chimiques riches en phosphates sur les cultures a pour effet paradoxal de tuer les champignons mycorhiziens pourvoyeurs, eux-mêmes de phosphore.

Ainsi, la plante, tout comme celui qui la cultive deviennent dépendants des apports extérieurs, au seul bénéfice de l’industrie agrochimique…

Ci-dessous : 1.Collembole Neelus murinus (0.3mm) broutant des hyphes, 2.Boletus Edulis – cèpe de bordeaux comestible, 3. Oïdium - Pathogène unicellulaire, 4. Alternaria (20 à 80 µ) - Pathogène et allergène aéroporté, occasionnant des problèmes de santé chez l’homme et les animaux.

 

  • Myxomycètes :

Ces organismes, aussi nommés, amibes à plasmodes vrais, sont assez mystérieux et se présentent sous des formes et colorations variées. Le cycle biologique des myxomycètes comprend deux stades principaux :

Stade nutritionnel : Stade mobile au cours duquel il peut se déplacer à des vitesses avoisinant 1 cm/heure. Il est alors prédateur et prend la forme d'un plasmode pour explorer son support, sur lequel il phagocyte ses « proies » à la manière d’une amibe. Ses cibles sont des bactéries, levures, cyanobactéries, algues vertes, spores, moisissures et petits champignons, dont il contribue à réguler les populations.
Stade reproducteur : Lorsque le plasmode a accumulé suffisamment de réserves nutritives, il s'immobilise et forme des sporocystes qui sont de petites sphères de couleurs variées contenant des spores qui seront disséminés par le vent ou par la microfaune du sol.
Les myxomycètes représentent une fraction importante des unicellulaire des sols dans lesquels ils se déplacent, se nourrissent et se transforment, participant au processus de décomposition organique. On les trouve essentiellement sur les bois morts et dans la litière.

Ci-dessous un Plasmode sur lequel on remarque la présence d’un collembole (Lepidocyrtus) qui le « sirote » (astérisque rouge).

Ci-dessous : 1.Trichia affinis immature, 2. Lipogala epideendrum amorçant son passage au stade reproducteur, 3.Trichia decipens, 4.Lampoderma sauteri (deux sporocytes). Anne-Marie Rantet-Poux, spécialiste des myxomycètes m’a aidé pour les identifications.

  • Protozoaires :

Eucaryotes unicellulaires, leur taille généralement microscopique et comprise entre 10µ et 50µ Très exceptionnellement, elle peut avoisiner 1mm. Leur nourriture se compose de matières carbonées ou de composés excrétés sous forme de sucres par d’autres organismes. Ils trouvent leurs ressources en se nourrissent de bactéries, algues ou champignons. Ils sont également des décomposeurs capables de dégrader la matière organique et comptent parmi les acteurs importants des sols.

Lorsqu’ils se nourrissent, ils agissent sur la biomasse bactérienne en relâchant des éléments utiles pour les sols. En effet, l’azote que contiennent les bactéries qu’ils consomment, et dans lesquelles ils puisent aussi du carbone, se trouve relâché sous forme d’ammonium, directement assimilable par les plantes.

On en connait à ce jour plus de 30 000 espèces vivant en milieu aquatique ou dans les sols. Leur densité varie selon la nature des sols. La valeur d’une cuillère à café de sol peut en contenir seulement quelques milliers dans des sols pauvres, mais elle peut dépasser 1 million de cellules dans des sols fertiles.

Par ailleurs, l’humidité d’un sol est déterminante quant aux types et à la densité de protozoaire qui le colonisent. Leurs morphologies nous permettent de les classer en quatre groupes :

- Ciliés: Leur membrane cellulaire est dotée de cils mobiles qu’ils utilisent pour se déplacer.

- Amiboïdes: Capables de se déformer pour assurer leur locomotion et phagocyter leurs proies. Les thécamoebiens y forment un groupe important souvent utilisé comme indicateurs de la qualité des milieux naturels. Les thèques se conservent en effet après la mort des amiboïdes et leur présence permet, grâce à des analyses rétrospectives de reconstituer les paléoenvironnements.

- Flagellés: Dotés d’organites en forme de flagelles qui les aide à se mouvoir.

- Sporozoaires: Parasites des animaux, ils produisent des spores.

Remarque : La planche qui suit est montrée à titre indicatif, car elle ne contient que des protozoaires aquatiques (Je n’ai jamais eu l’occasion de photographier des protozoaires prélevés dans le sol): 1.Cilié n.id., 2. Blephairsma.sp-cilié, 3. Dolflugia–amibe à thèque (Thécamoebien) , 4. Centropyxis aculeata-Amibe à thèque(Thécamoebien), 5.Amoeba sp. Amibe, 6. Coleps hirtus – cilié.

  • Tardigrades:

Nommé communément « ourson d’eau », sa découverte et ses premières descriptions datent du XVIIIème siècle. Sa présence attestée sur Terre remonte à l’ère Crétacé (-60 à -80 Ma). On en dénombre aujourd’hui plus de 1000 espèces qui colonisent tous les biotopes de la planète et possèdent des facultés hors normes de résistance à des conditions extrêmes de température (de -270°C à 150°c), déshydratation, pression (il supportent tant le vide et que des pressions jusqu’à 6000 bars), radiations (ultraviolets, rayon X). Capable de réduire considérablement son métabolisme jusqu’à un état nommé stase, il peut alors demeurer ainsi jusqu’à une trentaine d’années, au contact d’un milieu humide il reprend son état initial et se met à évoluer naturellement. Observer cette phase sous microscope est un véritable spectacle.

On trouve des tardigrades aussi bien dans les écosystèmes marins que dans les régions montagneuses les plus élevées. Les espèces terrestres se rencontrent principalement dans les mousses et lichens. Leur taille n’excède guère 1mm. Leur corps est doté de quatre paires de pattes dont les extrémités possèdent des griffes en forme de crochets.

Ils se nourrissent en chassant essentiellement rotifères, nématodes et protozoaires et ils sont dotés d’un stylet allongé qu’ils utilisent pour perforer leurs proies dont ils aspirent la substance. Au cours de leur vie qui peut durer jusqu’à deux ans, ils effectuent un grand nombre de mues.

Ci-dessous, montage photographique à partir d'images réalisées sous microscope Trinoculaire.

  • Rotifères:

Ces organismes minuscules (0.2 à 0.4 mm) sont très abondants dans les couches superficielles des sols et dans la litière. Il se déplacent en rampant ou en s’aidant des couronnes de cils dont ils sont dotés. Selon l’humidité contenue dans les sols, leur densité peut varier de quelques unités à 200 individus par cm². Bien que leur nombre soit élevé, on n’en compte qu’environ 2000 espèces. Occupant une faible part de la biomasse du sol, ils ne sont pas considérés comme un groupe-clé.

Les deux classes les plus présentes dans les sols sont :

- Les bdéloïdes qui se perpétuent par parthénogénèse (leurs œufs peuvent éclore sans être fécondés). Ils sont capables de se mettre en anhydrobiose, autrement dit, de ralentir leurs fonctions biologiques pour supporter des taux de dessication élevés. Ils traversent ainsi les périodes les plus sèches et peuvent survivre en conservant cet état durant plusieurs années. L’anhydrobiose, n’est pas sans rappeler la déshydratation cryoprotectrice utilisée par certaines populations de collemboles présents dans les zones polaires.

- Les monogonontes qui occupent prioritairement les eaux douces et qu’on trouve rarement dans les sols.

L’alimentation des rotifères est composée de très petites proies. Grâce à leurs couronnes de cils il brassent les liquides pour en extraire des bactéries, des levures ou des fragments de cellules algales. Ils représentent une ressource alimentaire pour d’autres organismes du sol comme les nématodes ou les tardigrades.

Pour les voir en action, je propose de visualiser deux vidéos : rotifère en action de brassage et rotifère en mouvement.

Ci-dessous : 1.Notholca squamula, 2.Lecane sp. 3.Philodina

  • Nematodes :

Les nématodes sont des vers cylindriques non segmentés. La taille de ceux qui vivent dans les sols n’excède pas quelques millimètres (bien qu’il en existe qui atteignent 8 mètres de long). Ils sont présents dans quasiment tous les écosystèmes, depuis les sols de l’antarctique jusqu’aux sources chaudes d’origine volcanique.

On les trouve dans les films d’eau des interstices ou dans les zones les plus humides de la litière. On distingue huit groupes identifiés selon leurs régimes alimentaires, dont les cinq principaux sont les bactérivores, les fongivores, les omnivores, les phytoparasites, les prédateurs.

Ils sont considérés comme une espèce clé dans l’écosystème des sols où ils jouent un rôle au niveau de la décomposition et de la minéralisation. Les espèces que l’on rencontre dans les sols dépendent de multiples facteurs environnementaux, comme la disponibilité des ressources, les espèces végétales qui pousse dans ces sols ou la nature chimique de ces derniers.

Les nématodes peuvent également, lors de leurs déplacements, entrainer avec eux des colonies de bactéries fixées sur leur cuticule. Nous avons là une forme de phorésie.

Certains nématodes qui parasitent les mammifères peuvent être mortels. Par exemple, Diroflaria immitus est connu pour s’installer dans le cœur, les artères et les poumons de chiens et de chats. Cependant la majeure partie des nématodes n’est pas nuisible.

  • Acariens :

Ces arachnides de petite taille (de 0.2 à 0.8 mm) sont parmi les plus abondants dans les sols, on en a dénombré à ce jour plus de 48 000 espèces. Leur densité moyenne se situe autour de quelques milliers d’individus /m² mais, dans certains cas, elle dépasse 100 000 individus /m².

On les trouve dans tous types de sols, sur les parties aériennes des plantes ou parasitant d’autres animaux (tique, varroa…). Ils sont capables de supporter des conditions climatique extrêmes et colonisent donc toute la planète. Les acariens qui vivent dans le sol sont généralement aveugles, alors qu’une part de ceux qui évoluent en surface disposent, sur leur partie dorsale, de cellules sensibles à la lumière. Leur cuticule porte des poils sensitifs, des pores ou des vacuoles qui leur servent de récepteurs mécaniques ou chimiques et que l’on peut comparer aux trichobothries des collemboles (voir : soies et sensilles des collemboles).

Les acariens préfèrent les sols humides et riches en matières organiques dans lesquels chaque espèce présente des caractères spécifiques aux diverses conditions environnementales et ressources alimentaire présentes.

Leur contribution est diversifiée. Certains sont des prédateurs carnassiers qui chassent de petits arthropodes ou des organismes de plus faible taille, participant ainsi à la régulation de leurs populations. D’autres parasitent les plantes en puisant leur nourriture à travers les racines. Les macrophytophages, consomment des fragments végétaux ou des résidus organiques.

Comme d’autres animaux, les acariens peuvent transporter certains organismes (champignons, bactéries) dont ils assurent une dissémination. En fragmentant les débris végétaux et rejetant leurs fèces, ils enrichissent en outre l’humus des sols.

Ci-dessous : 1. Dermatocentor marginatus (tique-5 mm), 2.Xenelius clipeator (oribate-1mm), 3.Trombidium holocericeum (4 mm), 4. Cunaxidae parasitant un hémiptère Ditropis ptéridis, 5.Acarus siro présent sur la croute du fromage de Cantal – (0.3mm), 6. Linopodes sp. (Eupodidae).

  • Collemboles :  

     

    (Se référer au contenu de ce site)

Rôle : Détritivores, fragmenteur, disséminateur, régulateur, proies.

1.Billobella aurantiaca (poduromorphe), 2. Dycyrtoma fusca (Symphypleone), 3. Orchesella villosa (Entomobryomorphe), 4.Neelus murinus (Neelidae)

  • Myriapodes :

Rôle : Détritivore, fragmenteur, disséminateur

Ci-dessous : 1. Blaniulus guttulatus (julida), 2.Scolopendra cingulata ( sculopendridae) 3.Scutigera coleoptrata (scutigeromporpha) 4.Polynexus lagurus (plynexidae , 5. Geophilus.sp (geophilidae).

  • Vers de terre :

Les vers de terre comptent parmi les organismes essentiels pour la qualité des sols. Première biomasse animale terrestre, ils consomment la matière organique et les végétaux en décomposition.

En un an et sur un hectare de prairie non polluée, 250 000 vers (en moyenne), ingèrent et rejettent entre 300 et 600 tonnes de terre26. Ils effectuent sous nos pieds un brassage comparable au travail de nos plus gros engins de chantier, agissant ainsi sur la structure même des sols.

Leurs galeries facilitent l’infiltration des eaux, limitent le ruissellement et l’érosion. Elles participent à l’aération des sols et facilitent la circulation des éléments nutritifs jusqu’aux racines des plantes. En outre, ces galeries permettent au système racinaire d’accroitre leurs surfaces d’échange. En déposant leurs déjections et leur mucus sur les galeries, ils enrichissent les sols en sucres ce qui permet une stimulation et une diversification des microorganisme dont résulte un enrichissement des sols en éléments nutritifs.

Rôle : Fragmenteur, enfouisseur, brasseur, recycleur de matière organique, prédateur, proie.

  • Fourmis :

Insectes hyménoptères, les fourmis, hôtes des sols, jouent un rôle important en raison de leur diversité et de leur biomasse importante. Elles sont par ailleurs d’excellents bioindicateurs, retenus par de nombreux chercheurs pour la surveillance des écosystèmes. 

On dénombre aujourd’hui plus de 16000 espèces de fourmis qui vivent en formant des colonies (fourmilière, ci-dessus). Elles contribuent à l'aération des sols et à la décomposition de  déchets organiques qu'ils soient d'origine végétale ou animale. Certaines fourmis peuvent vivre jusqu’à plus de 25 ans, c’est le cas de Lasius niger présentée ci-dessous (n°3). Leur déplacement à la recherche de nourriture favorise également .la dissémination des graines. La masse des toutes les fourmis vivant sur Terre dépasse celle de la population humaine. 

1.Camponotus vagus (échange d’information entre une ouvrière « minor » et sa consœur « major ») 2. Crematogaster scutellaris (pouponnière), 3. Lasius niger (S’occupant d’une colonie de pucerons), 4. Myrmica sp. (Prédatrice).

  • Isopodes :

La majeure partie des espèces de cet ordre de crustacés sont marines. Les isopodes terrestres les plus familiers sont les cloportes qui colonisent les arbres morts et la litière. Ils fuient la lumière du soleil pour éviter la dessication. Ils se nourrissent de matière végétale en décomposition et favorisent l’apport de nutriments dans les sols.

Rôle : Détritiphage, nettoyeurs, disséminateur.

Ci-dessous : 1.Philoscia muscorum (terrestre), 2.Ligia italica (marin), 3.Armadillidium vulgare (terrestre) à droite en position de protection).

  • Coléoptères :

Importante famille dotée d’ailes dont la répartition des espèces est liée à la nature des sols et de la végétation qui les accueille. Les larves des coléoptères se développent principalement dans des masses organiques en décomposition (vieux troncs d’arbres) et dans les sols où elle se nourrissent essentiellement de plantes et de champignons, mais certaines espèces peuvent être carnassières. Les coléoptères adultes vivent à l’air libre.

Rôle : Pollinisateur, détritivore, régulateurs, fragmenteurs, transformateurs de biomasse, proies pour d’autres espèces (insectes, oiseaux, reptiles, petits mammifères)

Ci-dessous : 1.Larve et adulte Pyrochroa coccinea, 2.Larve et adulte Coccinella septempunctata, 3. Larve et adulte Orycte nasicornis.

  • Autres organismes habitants des sols :

1.Cochlostoma et 2.Helicodonta obvula (gastéropodes), 3.Psocoptère , 4.Thysanoptère, 5 Campodea (Diploure), 6. Pseudoscorpion (arachnides)

  • La taupe :

Enfin, comment ne pas mentionner la taupe et ses travaux de terrassement. Ce mammifère qui vit dans le sol déplace de grosses quantités de terre (taupinières- ci-dessus) pour creuser son terrier et de multiples galeries. On estime qu’une taupe creuse jusqu’à 200 mètres de galerie sur son territoire. Ce brassage favorise l’aération et l’ameublissement des sols ainsi que la dissémination des nutriments.  Ci-dessous : taupe d'Europe27

À la différence des rats taupiers, la taupe est exclusivement carnivore et se nourrit essentiellement de vers de terre, larves, limaces et insectes dont elle mange des quantités journalières comprises entre un tiers et la moitié de son poids. Les taupinières mettent le sol à nu et créent des monticules poreux qui forment autant de micro-habitats susceptibles d’être colonisés par des espèces pionnières. Elles contribuent ainsi à la biodiversité végétale et animale.

 

9) L’équation impossible ?

Après ce passage en revue de la vie des sols, on ne peut que se ranger à l’idée que cet ensemble composite, organo-minéral, forme un biotope complexe aux équilibres fragiles. Chaque élément ou organisme qui les constitue, pourrait être comparé à la pierre d’une voute architecturale dont la destruction ferait s’écrouler l’édifice entier.

Notre survie dépend aujourd’hui de notre capacité à exploiter avec parcimonie les sols de la planète. Mais, comme le souligne Clément Mathieu, le sol demeure « le grand oublié » et sa préservation ne semble pas une priorité planétaire.

A l’heure où les besoins alimentaires ne cessent de croitre, l’agriculture tente de répondre, épaulée par une agrochimie omniprésente. Les pouvoirs en place, en dépit de leur prise de conscience affichée, peinent à prendre les décisions qui s’imposent et demeurent prisonniers d’une économie mondialisée, davantage orienté vers la pérennisation des profits que celle des ressources.

Si par ailleurs était programmé l’abandon de toute exploitation non durable des sols à l’échelle planétaire, cela équivaudrait à interdire aux populations des pays en voie de développement d’accéder à des niveaux de vie décents. Tandis que les populations nanties, qui sont aussi les mieux informées, ne semblent toujours pas disposées à remettre fondamentalement en cause leur mode de vie.

L’équation n’est donc pas simple à résoudre, face à une situation figée qui n’invite pas à l’optimisme.

 

 

Sources et liens utiles:

 NB: Sur les photographies d’organismes vivants, 66 proviennent de mes clichés personnels, hormis 4  (bactéries- lombric- taupes) crédités ci-dessous.  

Clément Mathieu

2 Olivier de Serres (1539-1619) : Considéré comme le père de l’agronomie française est l’auteur d’un traité « Théâtre d’Agriculture et mesnage des champs »

3 Henri Louis Duhamel de Monceau (Bpt.1700 – 1782) : Botaniste et agronome français; considéré comme un des fondateurs de l’agronomie et de la sylviculture moderne.

4 Johan Gottschalk Wallerius (1709 – 1785) : Chimiste et minéralogiste suédois. Considéré comme un des fondateurs de la chimie agricole. Ouvrage « l’agriculture réduite à ses vrais principes »

5 Julius von Liebig (1803 – 1873) :Chimiste allemand qui a contribué aux progrès de la chimie organique et de l’agronomie. Considéré comme un des fondateurs de l’agriculture industrielle.

6 Jean Baptiste Boussingault (1801 -1887) : Chimiste, botaniste , agronome français. Considéré comme le fondateur de la chimie agricole moderne, devenu célèbre , entre autres, par ses découvertes sur la dynamique de l'azote, le métabolisme des graisses, le rendement de la photosynthèse.

7 Sir John Bennet Lawes (1814 – 1900) : Entrepreneur et scientifique anglais. Fondateur d’une ferme expérimentale qui deviendra un centre de recherche dans lequel il développera le superphosphate, marquant ainsi le début de l’utilisation des engrais chimiques.

8 Vassili Vassilievitch Dokoutchaïev (1846 -1903) géographe russe considéré comme le père de la pédologie à qui on prête d’être le premier scientifique a avoir réalisé une vaste étude des types de sols.

9 Otto Friedrich Müller ( 1730 – 1784) est un naturaliste danois. Reconnu comme un auteur important dans la connaissance des êtres microscopiques, il a établi un inventaire de toutes les formes de vie de son pays.

10 Eugène W.Hilgard (1833 – 1916) germano-américain expert en pédologie. Faisant figure d’autorité sur le climat en tant que facteur de formation du sol et la régénération des sols alcalins. Il est considéré comme le père de la science moderne des sols aux Etats-Unis.

11 Source : https://ourworldindata.org/grapher/total-agricultural-area-over-the-long-term

12 Adaptation par mes soins d’un graphique « SAGE-GTAP » issu d’un rapport d’information n°504, déposé le 18-04-2015

13 Schéma adapté par mes soins d’après Michel Robert et Pierre Stengel « Les ressources en péril » CIRAD et article de Clément Mathieu sur le site Planet VIE.

14 Schéma adapté, d’après fig.1-p.142 de la publication :« De la connaissance du comportement physique et mécanique des sols de l’Est de la France. » (Faure, 1971 & 1978 ; Grimaldi, 1981 ; Guérif, 1982).

15 Gustave Heuzé, « La France agricole » 1891, vol. 1 : 66. Source :Excès d’eau par Gérad trouche et Pierre Morlon

16 Tableau issu de « La prévention des carences en éléments mineurs et secondaires en sols organiques » Mario Leblanc, agronome – publication du ministère de l’agriculture du Canada.

17 Article « salinisation des sols » Encyclopédie de l’environnement.

18 Schéma issu de fig 5.11 :« La chimie du sol » Darshani Kumaragamage; Jim Warren; and Graeme Spiers

19 Chaînes des conséquences et inconvénients liés à l’excès d’eau dans les terres agricoles – Excès d’eau : conséquences. Gérad trouche et Pierre Morlon

20 Schéma issu de fig 5.9 :« La chimie du sol » Darshani Kumaragamage; Jim Warren; and Graeme Spiers

21 (Carte ©INRAE – Gis Sol) .

22 Atlas européen de la biodiversité des sols - © Union européenne, 2013.

23 Photo : © Judith Noble-Wang, Ph.D, USCDCPG

24 Supagro.fr. « Les organismes du sol ».

25 Articlee researchgate : Image modifiée, à partir d’une photo © Professor Sir David Read, FRS.

26 CNRS :https://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosbiodiv/index.php?pid=decouv_chapC_p5&zoom_id=zoom_c1_8

27 Photo de gauche : Joseph Sardin : https://www.flickr.com/photos/14328577@N08/4586323763 - Photo de droite : Jacques Chibret : https://www.flickr.com/photos/jac31/3184636433 

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