Les collemboles sont quasiment absents dans la littérature antique. Dans Notes sur l'histoire des Animaux d'Aristote publié en 1783, M. Camus, l'auteur, reprend le seul passage connu dans lequel Aristote (-384 à -322 av. J.-C.) évoque des vers qui pourraient être des collemboles : «La neige produit elle-même des vers en vieillissant. Comme le temps la rend rouge, ces vers sont rouges aussi : ils sont velus. En Médie* ils sont blancs et grands. Les vers de la neige sont tous paresseux à se mouvoir ».

Il faut attendre plus trois siècles avant de retrouver une mention indirecte au texte d'Aristote évoqué succinctement par Pline l'ancien (23-79) dans son ouvrage Histoire naturelle. Stephen P. Hopkin dans Biology of spingtail (Oxford University Press - 1997) évoque un texte traduit de Jonstonus (1653) faisant référence à une génération spontanée de "red hairy warms on snow" (rouges poilus qui se réchauffent sur la neige) probablement emprunté à Aristote.
Les premières mentions plausibles de cet arthropode, encore décrit comme un vers, datent de la fin du XVIIème siècle. Par exemple, dans les éphémérides de « l'Académie des curieux de la nature d'Allemagne », le Docteur Charles Raygerus (médecin hongrois) raconte comment en 1672 « Il tomba dans un pré en Hongrie plus de dix espèces de Vers avec de la neige, lesquels y vécurent, & qu'on y vit remper par troupes pendant plus de quatre jours...» quelques années plus tard, un certain Docteur Jean Chrétien Frommannus observe le 2 décembre 1684 des puces de neige.

* Nom donné à une région d'Asie mineure, située au nord-ouest de l'Iran actuel, entre la mer Caspienne et le Golfe Persique.

Il existe probablement, durant ce XVIIème siècle, bien d'autres références aux collemboles, mais ce n’est qu'à l'aube du XVIIIème siècle que les savants ont tenté de définir un ordonnancement des espèces à travers notamment les travaux de classification entrepris par le suédois Charles Linné/Carl Von Linné (1707-1778) dans son ouvrage Systema Naturæ qui connut de nombreuses éditions et révisions entre 1735 et 1770 et dont le volume passa, durant cet intervalle, de onze pages pour la première publication à près de 3000 pages (en trois tomes) pour la dernière. Linné a passé sa vie à répertorier et à classer les espèces animales et végétales. C'est lui qui établit définitivement le système nominatif dit "binomial" qui comprend un nom, dit générique, et une épithète. Par exemple pour les collemboles, Dicyrtomina ornata (Dicyrtomina étant le générique et ornata  l'épithète).

Dans l'extrait ci-dessous, ici d'une édition de 1740, Linné fait références aux travaux de De Geer (1720-1778) pour classer les collemboles (alors appelés Podura) parmi les insectes, au sein de l'ordre Aptera (aptères), la mention alæ nullæ signifiant sans ailes.


Dans cette première classification, les collemboles (podura) sont caractérisés par: cauda bifurca (queue fourchue), inflexa (courbé), saltatrix (danseur).

N'ayant pas réussi à trouver la version de Systema Naturae où apparaissent pour la première fois des descriptions de podures, je me suis donc rabattu vers l'ouvrage d'un de ses compilateurs. Ainsi, j'ai retrouvé un livre de François Alexandre Aubert de la Chesnaye des Bois (1699-1784) qui n'est pas un scientifique de formation (Provincial entré dans les ordres il abandonna sa vie monacale et fut jeté en prison pour expier ses fautes. Après un exil en Hollande il rentre en France et commence à publier toutes sortes d'ouvrages).

L'intérêt de son livre réside surtout dans le fait qu'il nous y transmet les dernières connaissances scientifiques de son temps (Dans la préface il précise en effet qu'il a emprunté les descriptions de "M.Linnaeus pour les insectes et pour les vers". C'est donc tout naturellement que dans le tome II de son ouvrage, on trouve une description issue d'une des multiples versions de Systema Naturae dans laquelle sont décrites, probablement pour la première fois, neuf espèces de podures : (lire à partir de "genre III", dans les pages ci-dessous).

1 Podura pedes sex cursorii = "Pou qui cours avec six pieds". 

Oculi duo ex octonis compositi = "Deux yeux renfermant huit éléments".

Remarques :

  • En latin classique, le pou se dit pediculus et peduculus en latin populaire. En fait, le terme Podura provient de l'association des mots grecs anciens πούς, ποδός, poús, podós (pied) et οὐρά, ourá (queue) que l'on peut traduire par : « Qui a une queue servant de pied ou d'organe locomoteur ». (Dict. Littré 1872).
  • En 1758, dans la dixième édition de Systema Naturae Carl von Linné décrit dix espèces de Podures. 

Étienne-Louis Geoffroy (1725-1810) est un pharmacien et entomologiste parisien. En 1762, il nous en livre une description plus détaillée encore, assortie d'une petite planche. Cet ouvrage reçut un accueil très positif dès sa première édition de la part de la communauté des grands entomologistes de son époque, dont le suédois Carl Von Linné, cité ci-dessus. Voici ce qu'écrit Jean-Baptiste Lamarck* de l'Académie des sciences en 1801 dans son ouvrage "Système des animaux sans vertèbres" : « N'ayant trouvé parmi les méthodes qui ont été publiées jusqu'à ce jour pour déterminer les insectes, aucune distribution qui m'ait paru remplir complètement son objet, je m'en suis formé une qui me semble offrir plus de facilité dans l'usage, plus de convenance dans les rapports, et qui a en outre l'avantage de se rapprocher, à bien des égards, des Méthodes de Linné, de Geoffroy et d'Olivier, méthodes qui sont sans contredit, les meilleures qu'on ait publié sur cette intéressante partie de l'histoire naturelle. ». 

Les extraits qui suivent sont issus du second tome-section III de l'ouvrage de E.L.Geoffroy « Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, dans laquelle ces animaux sont rangés suivant un ordre méthodique».

* Lamarck (1744-1849), à qui on prête le premier usage du terme "biologie" à établi une classification des invertébrés et a posé les bases d'une théorie de l'évolution des espèces.

On trouve également dans ce même ouvrage les premières planches descriptives comportant une gravure relative au Podura de la page 608 présentée ci-dessus.


J'ai retrouvé une édition de 1766 de Systema Naturae qui propose, quant à elle, la description de quatorze espèces. Linné au terme de ses travaux aura répertorié quelques 4400 espèces animales et près de 6000 espèces végétales. Parvenu à une immense notoriété sa qualité de médecin de la famille royale de Suède lui vaut d'être anobli en 1761 et de prendre en 1762 le nom de Carl Von Linné.

Le dernier extrait que je propose ici provient d'une édition en quinze volumes du « Dictionnaire raisonné universel d'histoire naturelle » publiée en 1791. Son intérêt historique réside dans le fait qu’on peut, à la différence des publications antérieures, considérer qu’il s’agit bien d’un ouvrage certes scientifique mais, s’adressant cette fois au plus grand nombre. On ne s’étonnera donc pas de n’y trouver aucun descriptif détaillé sur les espèces alors distinguées.

L'auteur, M.Valmont-Bomare est un vulgarisateur. Les éditeurs présentent ainsi son ouvrage : «On a beaucoup écrit, depuis quelques années sur l'agriculture sur l'économie rurale et sur les manufactures; & les ouvrages des savants qui se sont appliqués à traiter ces objets, nous ont enseigné l'emploi que l'art doit faire des dons de la Nature; en sorte qu'aujourd'hui il n'y a aucune branche de l'histoire naturelle, ni aucun des objets qui y sont relatifs, sur lesquels nous n'ayons un ou plusieurs Traités, ou au moins quelques Dissertations ou Mémoire Académiques. Tant de richesses éparses & répandues dans une infinité de volumes, semblaient attendre qu'une main exercée à ce genre de travail les réunit & les rapprochât pour former un ensemble & un corps complet d'Histoire Naturelle».

 

Après cette période, dès le milieu du XIXème siècle, on trouve une littérature beaucoup plus dense au sujet des Podures sur lesquels se sont penchés les plus grands naturalistes de ce siècle. Dès lors, les classifications évoluent et se précisent. Les progrès techniques sur les microscopes optiques d'abord puis l’apparition des microscopes électroniques à balayage ont permis d’énormes avancées dans l'étude des collemboles. Plus récemment, les analyses génétiques ont étoffé nos connaissances, sans cesse plus détaillées quant à leur anatomie et leur physiologie. Enfin des études comportementales effectué sur certaines populations ont permis de mettre en évidence leur moeurs et ont montré que ces animaux bien que minuscules disposaient de prodigieuses ressources dont probablement beaucoup encore n'ont pas été mises en évidence.

Pour conclure ce volet bibliographique, non exhaustif, je resterai donc sur le commentaire des éditeurs de Valmont-Bomare qui soulignent l’importance de la synthèse comme préalable à la vulgarisation. Tâche à laquelle je tenterai de m’astreindre à chacune des pages de ce site.

 

Sources :  Bibliothèque Nationale de France. Extraits issus de téléchargements libres à partir de Gallica , sauf dernier extrait (collection personnelle).