1)   Introduction :

Cet article s’inspire d’une étude1, publiée en mars 2023 qui a pour objet l’analyse des préférences alimentaires et l’incidence de la consommation du collembole Heteromurus nitidus (ci-dessous) sur des populations fongiques, appartenant notamment à des espèces phytopathogènes.

Je remercie vivement Sandrine Salmon, ingénieure en écologie du sol au Muséum national d’Histoire naturelle, co-auteure de cette étude à qui j’ai soumis l’ébauche de cet article. Elle a bien voulu le relire et l’annoter afin que mon travail de vulgarisation respecte au mieux la démarche et l’esprit qui a accompagné les recherches de son équipe.

Entomobryomorphe de la famille des Orchesellidae, Heteromurus nitidus est une espèce répandue qui évolue dans la litière (épiédaphique). Son corps dépourvu de pigmentation est recouvert d’écailles arrondies à leurs extrémités. De couleur variable, de brun pâle à blanchâtre, sa taille avoisine 3 mm à l’âge adulte. Une des principales ressources alimentaires de ce collembole sont les champignons, mais il peut consommer également des microalgues terrestres, des bactéries, des fragments de feuilles mortes ou les déjections d’autres invertébrés du sol.

L’équipe qui a mené cette étude a cherché à voir dans quelle mesure Heteromurus nitidus pouvait avoir une appétence sélective, entre des champignons phytopathogènes (nocifs pour les végétaux, et en particulier les cultures) et non pathogènes (inoffensifs ou bénéfiques). À ces fins, deux champignons pathogènes ont été ciblés : Zymoseptoria tritici et Fusarium graminaerum, respectivement responsables de la septoriose du blé et de la fusariose des épis.

2)   Les maladies :

- La septoriose (ci-dessus à gauche) est une maladie qui s’attaque aux feuilles sur lesquelles elle se manifeste par la présence de taches de forme ovale de couleur jaune pâle (symptômes de chlorose) qui évoluent vers une coloration brune révélant une nécrose des cellules. Sur les parties attaquées se forment de minuscules boules noires nommées pycnides qui sont vecteurs de propagation de la maladie. Cette dernière peut occasionner des pertes de productivité avoisinant 40%, car les feuilles nécrosées n’assurent plus correctement la photosynthèse nécessaire à la croissance de la plante. Lors des récoltes, des résidus de feuilles tombent au sol et contaminent les jeunes pousses de la culture suivante, dès le début de leur développement.

- La fusariose (ci-dessus à droite) est une maladie cryptogamique due au Fusarium qui vit dans le sol ou sur les plantes. Fusarium est un genre de champignon ascomycète* qui regroupe de nombreuses espèces responsables de maladies qui se manifestent, sur diverses parties de la plante, depuis ses racines jusqu’à ses tiges et extrémités foliaires. La chaleur et l’humidité favorisent son développement. La manifestation de la maladie présente l’aspect d’une plante qui se dessèche et son évolution finit par la faire mourir. En effet, le développement du champignon, au sein même des tissus de la plante, obstrue les canaux par lesquels la sève alimente ses parties aériennes. La fusariose peut endommager bon nombre de cultures, comme les tomates, les courgettes, les melons, les pommes de terre et les céréales, pour ne citer qu’elles. Comme ce champignon réside dans les sols, il contamine quasiment toutes les plantes que l’on y fait pousser.

* Les ascomycètes représentent une vaste division de champignons, au sein de laquelle on trouve des espèces très utiles à l’homme comme les levures utilisées en boulangerie, brasserie et vinification ou les penicilliums utilisés dans la fabrication de fromages ou d’antibiotiques. On trouve aussi, dans cette famille, des champignons comestibles comme les morilles ou les truffes. Ce groupe comprend également des moisissures et des champignons phytopathogènes.

3)   Les réponses de l’agrochimie :

L’agrochimie a développé des traitements pour lutter contre la septoriose, mais les molécules utilisées (azoxystrobine, mancozèbe, manèbe, zirame, myclobutanil…) ne sont pas sans incidence sur les populations fongiques non pathogènes ou sur la faune des sols. En revanche, il n’y a pas de traitement permettant l’éradication de la fusariose. La rotation des cultures, l’arrachage, la destruction par le feu des plants contaminés et le paillage du sol, pour éviter que le vent ne dissémine les spores du champignon, semblent être les moyens les plus efficaces.

Outre la chimie, la sélection des variétés est une alternative qui fait l’objet de recherches constantes de la part des grands groupes de semenciers (DuPont Dow, Bayer et Syngenta…) qui proposent des semences modifiées pour être plus résistantes mais qui parallèlement ont été stérilisées, ce qui engendre une totale dépendance des utilisateurs.

On ne doit pas ignorer que le recours à de telles semences présente également une menace pour la biodiversité, relativement à un risque de disparition progressive des semences locales, proportionnel aux parts de marché conquises par les semenciers Enfin, cette situation pose aussi une question d’éthique par rapport à la propriété industrielle des semences qui revient à une mainmise de ces grands groupes sur les ressources alimentaires de l’humanité.

Remarque concernant les semences : Une loi entrée en vigueur le 11 juin 2020 autorise les jardiniers à vendre ou acheter des semences « paysannes » (semences prélevées sur la récolte d’un agriculteur en vue de semis ultérieurs) à condition que ces dernières ne soient pas inscrites sur le « catalogue officiel français des espèces et variétés de plantes ». 

On peut, à ce propos, citer l’exemple de Kokopelli, une association basée en Ariège qui se bat pour proposer des semences libres de droit et non stériles, dans le but de préserver la diversité biologique. Cette association a perdu deux procès en 2008 contre le ministère de l’Agriculture et un groupement de semenciers. Il est intéressant de se pencher sur les raisons et les argumentaires développés par chaque partie, dont le détail est accessible par le lien suivant : https://blog.kokopelli-semences.fr/2017/05/retour-sur-un-proces-perdu/

4)   Préalable à l’étude :

Je ne reviendrai pas ici sur les processus de décomposition organique évoqués au chapitre  Décomposition organique de ce site, si ce n’est que pour souligner le rôle crucial que jouent les champignons, en raison de l’espace qu’ils occupent à l’interface entre sol et matière organique en décomposition. En effet, leur action peut être bénéfique, en ce qu’ils rendent les nutriments accessibles aux plantes et peuvent aider ces dernières à lutter contre le stress abiotique, généré par les changements de conditions environnementales (sècheresse, gel, excès d’eau, intempéries climatiques…) ou le stress biotique, résultant de l’action néfaste d’autres organismes vivants, comme c’est le cas lors d’une attaque fongique.

Tous les champignons ne sont pas pour autant bénéfiques pour les plantes, les deux espèces qui font l’objet de l’étude représentent en effet une menace pour les cultures céréalières et en particulier celles du blé.

Comme évoqué précédemment, des traitements phytosanitaires ont été développés, mais ils occasionnent des dommages collatéraux car ils ne sont pas suffisamment sélectifs pour épargner les populations auxiliaires bénéfiques non ciblées (végétales et animales) ce qui conduit paradoxalement les champignons pathogènes visés à développer des capacités de résistance accrues, un peu comme les souches bactériennes de diverses maladies qui développent des résistances aux antibiotiques.  

Dès lors, un cercle vicieux s’établit qui conduit les agriculteurs à augmenter les dosages d’antifongiques, auxquels s’ajoutent la nécessité d’utiliser des engrais chimiques en complément du rôle que ne peuvent plus assurer les microorganismes et la faune du sol, affectés par ces traitements (Pelosi et al, 2013)2. Ce processus peut conduire, à terme, à une stérilité et à une mort biologique des sols.  

Dans ce contexte, les collemboles, de par leurs choix alimentaires, s’avèrent être à la fois des régulateurs/disséminateurs de populations fongiques et microbiennes. Des études ont déjà permis d’établir le rôle que pouvait jouer Folsomia candida, fréquemment évoqué sur ce site (relire Collembole bioindicateur ) et dont la consommation de Fusarium, contribue à limiter sa prolifération.

5)   L’étude :

Les chercheurs ont conduit leur étude, à long terme et court terme, en laboratoire. Ils ont proposé à Heteromurus nitidus des paires de champignons (pathogène/non pathogènes) sur la base de onze espèces non pathogènes, comparées aux deux espèces pathogènes précitées. Les relevés n’ont pas porté uniquement sur les préférences alimentaires du collembole, mais également sur les incidences de sa consommation sur son propre développement et sur l’évolution des populations de champignons pathogènes consommés. L’idée de départ étant de savoir si Heteromurus nitidus était susceptible d’être un auxiliaire biologique profitable aux cultures.

Le choix des onze espèces fongiques non pathogènes a été établi pour couvrir une large palette, en relation avec leur mode de vie (selon qu’ils utilisent une plante uniquement comme support, vivent au sein d’une plante ou encore se nourrissent de tissus végétaux ou animaux morts), leur phénotype (traits observables, comme la pigmentation de leur mycélium), mais aussi, selon l’étendue de leur distribution dans les agrosystèmes. Toutes ces espèces étant potentiellement bénéfiques aux cultures de céréales (recyclage des nutriments, régulation des agents pathogènes…). Ci-dessous, les champignons non pathogènes retenus et leur correspondance avec les abréviations utilisées en abscisses des graphiques qui suivent.

6)   Culture des champignons pour servir aux expériences  :

Je passe rapidement sur le dispositif mis en œuvre pour la culture des champignons, si ce n’est pour préciser que le mode de développement et la croissance de chacune des onze espèces ont été intégrés, afin d’assurer une homogénéité des répartitions de populations sur les « portions circulaires de gélose » (10 mm de diamètre sur 3 mm de hauteur) qui portent ces populations, identifiées sur le schéma ci-dessous par « pathogène » et « bénéfique ».

Les cultures initiales ont été effectuées sur la base d’espèces issues de la collection d’espèces fongiques du Museum national d’Histoire naturelle de Paris et cultivées durant deux semaines sous conditions contrôlées (t°=25°C.) sur un support spécifique dit « milieu de Mandel » (voir plus bas) .

Par la suite, la phase de colonisation fongique dans les boites de Pétri a été réalisée dans l’obscurité à une température de 4°C, durant un maximum de deux semaines. Les onze espèces fongiques non pathogènes ont ensuite été appairées avec chacun des deux champignons pathogènes ce qui correspond à un total de 22 essais.

NB : Pour ce qui concerne les expériences de choix à court terme, visant à mettre en évidence les préférences alimentaires d’Heteromurus nitidus, les chercheurs ont réalisé douze répétitions (12 boites) afin de s’assurer d’obtenir un jeu de données suffisant pour la réalisation d’analyses relativement puissantes.

Les positions des dix collemboles introduits au milieu de chaque boite ont été relevées toutes les dix minutes durant la première demi-heure, puis, toutes les trente minutes durant trois heures. C’est le nombre d’individus sur chacun des deux champignons au terme de 210 minutes, qui sera analysé.

L’expérience sur le long terme (dix semaines) visait, quant à elle, à quantifier la consommation de champignons pathogènes, en observant la réduction de la surface occupée par le mycélium des champignons résultant du broutage par les collemboles. 

Le deuxième objectif était d’évaluer l’effet de la consommation à long terme des champignons pathogènes sur la dynamique (reproduction, mortalité, croissance…) et la taille des populations de collemboles qui s’en nourrissaient. Elle a nécessité la mise en place de trois conditions distinctes pour chaque champignon pathogène, répétées 10 fois chacune.

Les relevés quantitatifs sur les populations de collemboles, ont été réalisés sous loupe binoculaire, à une fréquence de trois par semaine. Ils ont pris en compte les individus adultes ou subadultes, les juvéniles, ainsi que les œufs, les exuvies (mues) et les individus morts qui ont été retirés chaque semaine. Pour les mesures relatives à la couverture mycélienne, difficiles à quantifier par l’observation visuelle, les chercheurs ont eu recours à un logiciel d’analyse d’image.

7)   Expériences de choix :

Au terme des 210 minutes que durait la première expérimentation d’évaluation des préférences alimentaires d’Heteromurus nitidus avec Zymoseptoria tritici, les chercheurs ont établi que sur les 1322 individus utilisés, 1092, soit 82.6%, avaient choisi un des deux champignons proposés.

Pour l’expérimentation avec Fusarium graminaerum, effectuée selon le même protocole, sur les 1322 individus utilisés, 923, soit 69.7% ont marqué, eux aussi, une préférence pour un des deux champignons proposés.


 

Ces premiers constats attestent qu’Heteromurus nitidus montre des préférences alimentaires marquées lorsqu’il est confronté à différentes espèces fongiques. Mais il reste encore à déterminer vers quelles espèces se portent ses préférences : pathogènes ou bénéfiques ?

Pour cela, les chercheurs ont traité, avec des outils statistiques, les relevés effectués au cours de l’étude. Ils ont obtenu des représentations graphiques sélectives sur lesquelles apparaissent toutes les espèces fongiques proposées.

Remarque préalable :

Pour un besoin de lisibilité, les deux histogrammes proposés ci-dessous sont des adaptations très simplifiées des représentations graphiques de l’étude originale qui se présentent sous la forme de « boites à moustache » portant des données statistiques sous forme de quartiles. J’ai expurgé les plages de données pour n’en retenir que les valeurs médianes. Conscient des approximations induites par une telle démarche, il m’a paru que les histogrammes résultants permettaient cependant d’illustrer avec assez de clarté les préférences alimentaires d’Heteromurus nitidus.

 

Commentaire :

On constate qu’Heteromurus nitidus marque une préférence majoritaire pour le champignon pathogène Z.tritici en présence de C1 à C4. En présence de C5 à C7, les collemboles demeurent plus nombreux sur Z. tritici que sur les champignons bénéfiques mais de manière moins marquée. De C8 à C11 l’étude montre de très faibles écarts qui ne permettent pas de mettre en évidence une préférence entre Z.tritici et les champignons bénéfiques.  

 

Commentaire :

Pour l’expérimentation mettant Heteromurus nitidus en présence de Fusarium graminearum, et les onze champignons non phytopathogènes, les résultats montrent une préférence du collembole pour le champignon phytopathogène vis à vis de C1 à C4 et aucune préférence établie par rapport à C6. En revanche, les champignons bénéfiques C5 et de C7 à C11 ont été préférés à Fusarium graminearum notamment pour C7 à C11 avec des proportions nettement marquées.

Conclusion :

On peut donc déjà retenir que Heteromurus nitidus montre une préférence significative pour Z triciti, face à une majorité de champignons bénéfiques et ne présente de préférence pour aucune des espèces bénéfiques proposées. En revanche, en présence de Fusarium graminearum une telle distinction ne peut être établie.

8)   Expériences de consommation sur le long terme :

L’expérience consiste à mesurer les effets induits de la consommation des champignons pathogènes sur le collembole. Pour ce faire, les chercheurs ont introduit trente collemboles adultes ou subadultes au sein de trois milieux distincts :

  • Milieu "1" : Culture de champignon pathogène sur milieu de Mandel*.
  • Milieu "2" : Milieu de Mandel non colonisé 
  • Milieu "3" : Substrat de sable seul.

* Le milieu de Mandel (MM) est un mélange qui nourrit et favorise les cultures fongiques mais qui n’est pratiquement pas consommé par les collemboles. Il est composé de proportions déterminées de divers éléments (glucose, sulfate d’ammonium, phosphate de monopotassium, chlorure de calcium, urée, extraits de levure, gélose et oligoéléments…)

Remarque : Le milieu « 3 » permet, en le comparant aux milieux  « 1 » et « 2 », de s’assurer que la croissance observée au sein de ces derniers résulte bien du régime alimentaire et non de réserves éventuelles constituées par le collembole avant le début de l’expérimentation. Ce comparatif permet également de s’assurer que la ponte ne résulte pas d’un stress environnemental. La comparaison entre le milieu « 2 » et le milieu « 3 » permet d’évaluer la croissance due uniquement au champignon et non à la gélose (milieu Mandel).

Survie des collemboles qui consomment des champignons :

Le caractère peu significatif, pour le néophyte, des variables relatives à la consommation de champignons, m’a conduit à ne proposer aucun chiffre dans cette transcription. Je me contente de lister, sans les détailler, les éléments les plus significatifs qui se dégagent, conscient d’être, ici encore, réducteur, sans pour autant trop m’écarter des enseignements que l’on peut tirer. 

Des écarts significatifs ont été mesurés entre les conditions des milieux « 1 » et « 2 » pour chacun des deux champignons pathogènes. Au terme de dix semaines, les relevés mettent en lumière les éléments suivants :

  • Le nombre d’œufs pondus sur les champignons pathogènes est plus important que ceux pondus sur le substrat (MM) non colonisé (gélose sans champignon).
  • Le nombre d’exuvies produites (qui est indicateur de la croissance des collemboles) est plus important en présence des champignons pathogènes que sur les milieux « 2 » et « 3 ».
  • Le nombre de collemboles juvéniles répertoriés, est significativement supérieur en présence des deux champignons pathogènes que sur les milieux « 2 » et « 3 ».
  • Le nombre d’adultes et le nombre total de collemboles est plus élevé en présence des deux champignons pathogènes.
  • Le nombre de collemboles morts au terme des dix semaines est bien plus faible en présence des champignons pathogènes que sur les milieux « 2 » et « 3 ».

On peut en conclure que Heteromurus nitidus se développe et se reproduit sans difficulté, lorsqu’il consomme l’un ou l’autre des deux champignons pathogènes.

9)  Enseignements et interrogations :

Quelques constats révélés par cette étude :

Au sein des familles fongiques bénéfiques étudiées, les chercheurs ont remarqué un manque d’appétence d’Heteromurus nitidus pour certaines espèces fongiques bénéfiques qui montraient une forte activité chitinolytique (production de l’enzyme chitinase qui est impliquée dans le processus de dégradation de la chitine). Cette activité chitinolytique peut faire de ces espèces fongiques des agents de lutte biologique contre des phytopathogènes (fongiques, insectes et nématodes). L’exosquelette du collembole constitué de chitine, pourrait par ailleurs justifier qu’Heteromurus nitidus délaisse ces champignons non pathogènes.

Il est également montré que la pigmentation des champignons attribuée à la présence de mélanine n’est pas un déterminant dans les choix préférentiels des collemboles.

Dans la majorité des cas étudiés, le champignon qui présente la plus forte attractivité pour Heteromurus nitidus est le pathogène Zymoseptoria tritici. Cette préférence peut s’expliquer par le fait que Z. tritici présente une haute valeur nutritive pour les collemboles (favorable au développement des populations) et qu’il ne doit pas ou peu excréter de métabolites (composés organiques) qui le protègeraient contre le broutage.

Quelques questions soulevées :

L’étude effectuée en laboratoire (in vitro) établit que Heteromurus nitidus peut, en se nourrissant, réduire la couverture du mycélium aérien des deux champignons pathogènes des céréales.

  • L’appétence bien marquée pour Zymoseptoria tritici laisse supposer que cette préférence pourrait se confirmer sur le terrain.
  • Les boites analysées pour Fusarium graminearum sont en revanche bien moins significatives pour envisager un résultat probant sur le terrain.

Paradoxe ? : Il semble qu’il puisse y avoir, dans certains cas, une « densité critique » de collemboles susceptible de faire régresser la surface occupée par le mycélium du pathogène. Il est, en effet, évoqué d’après la littérature scientifique, qu’un broutage limité du mycélium peut, sous certaines conditions, favoriser sa croissance.

10)  Conclusion :

Des études sont encore nécessaires pour vérifier les résultats obtenus, en particulier pour les valider dans une configuration ouverte (en plein air). Les multiples interactions champignons/collemboles qui induisent appétence ou répulsion doivent être approfondies. Il serait également utile d’effectuer ce type d’études avec d’autres espèces de collemboles et de se rapprocher, autant que possible, des conditions réelles, en ayant davantage recours à des expérimentations dont les préparations incluent la matrice des sols de cultures.

Les réserves sont nombreuses, mais les résultats de cette étude, confortés en ce qu’ils confirment des études antérieures, laissent envisager des perspectives encourageantes en matière de régulation des population fongiques pathogènes, en particulier ici sur le champignon responsable de la septoriose.

Perspectives :

Si l’idée d’introduire des collemboles pour protéger les cultures des attaques de certains champignons parait séduisante, elle se heurte aux difficultés qu’il y aurait à élever massivement ces collemboles.

Il serait plus plausible de trouver un moyen d’attirer les populations de collemboles déjà présentes vers les zones contaminées. La piste des phéromones d’agrégation pourrait être explorée à ces fins (relire l’article : Communication chimique des collemboles)

 

 

Sources :

1 : "Dietary preferences of Heteromurus nitidus (Collembola) among wheat fungal communities: Implications for bioregulation of two widespread pathogens"

Thomas P. Bourgeois a, Frédéric Suffert b, Gérard Dury a, Gwenola Biau a, Sandrine Lacoste c, Soizic Prado d, Jöelle Dupont c, Sandrine Salmon a

a-Muséum national d'Histoire naturelle, CNRS, Département Adaptations du Vivant, UMR 7179 MECADEV, 1 avenue du petit-chateau, 91800 Brunoy, France

b-Université Paris-Saclay, INRAE, UR BIOGER, 91120 Palaiseau, France

c-Muséum national d'Histoire naturelle, CNRS, Département Origines et Evolution, UMR 7205 ISYEB, 12 rue Buffon, 75005 Paris, France

d-Sorbonne Université, Muséum national d'Histoire naturelle, CNRS, Département Adaptations du Vivant, UMR 7245 MCAM, CP 54 57 rue Cuvier, 75005 Paris, France

Lien :  https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0929139323000951

 

: "Reduction of pesticide use can increase earthworm populations in wheat crops in a European temperate region"
C. Pelosi a,, L. Toutous a, F. Chiron b, F. Dubs c, M. Hedde a, A. Muratet d, J.-F. Ponge e,
S. Salmon e, D. Makowski f,g

Lien : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0167880913003411